Le Bénin en lutte contre la cybercriminalité
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Brice KINHOU
Longtemps considéré comme une plaque tournante de la cybercriminalité, le Bénin marque des points dans la sécurité numérique.
Il y a quelques années, à Cotonou, il était encore courant de recevoir dans sa boîte mail des annonces de prétendus héritiers de grosses fortunes, ou encore de pétroliers du Golfe en mal de placement de leur argent. Beaucoup se sont fait piéger et ont perdu des fortunes dans des stratégies à dormir debout. La cyberextorsion est de loin la forme de cybercriminalité la plus répandue, à côté du vol de données financières ou bancaires, du vol et de la vente de données d’entreprises, de l’usurpation d’identité ainsi que de la fraude par e-mail.
Au Bénin, entre 2016 et 2021, près d’un millier de personnes, en majorité des jeunes, ont été arrêtées pour des crimes cybernétiques. Des milliers d’objets (matériel de connexion Internet, ordinateurs, téléphones portables entre autres) servant d’outils de travail pour ces cybercriminels ont été également saisis par la police républicaine. La justice a de son côté requis des peines allant de 2 à 5 ans assorties de millions d’amendes pour certains, et de 10 à 20 ans pour d’autres.
C’est là le résultat d’une lutte contre la cybercriminalité pour sécuriser le cyberespace béninois. Une lutte rendue possible par le Code du numérique, adopté au Bénin en 2016 afin de baliser l’écosystème numérique et le préparer à la modernisation.
Avec un nouvel écosystème numérique, le Bénin est désormais classé parmi les 10 pays africains les mieux notés en matière de lutte contre la cybercriminalité.
De la 148e position sur 164 au classement de l’Union internationale des télécommunications (UIT) sur la cybersécurité en 2017, le Bénin, longtemps considéré comme une plaque tournante de la cybercriminalité africaine, est passé en 2018 à la 80e place sur 175 pays. Au niveau continental, il est passé de la 33e position en 2017 à la 6e sur les 44 pays africains évalués en 2020.
Dans un entretien accordé à Africa on Air, le directeur général de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI), M. Ouanilo Jérôme Medegan, explique que
« les bonnes notes du Bénin en matière de lutte contre la cybercriminalité ne sont que le fruit des efforts conjugués de plusieurs structures pour respecter au mieux les critères d’évaluation de l’UIT, y compris la réduction de l’écart entre le niveau de développement numérique du Bénin et la préparation à la cybersécurité. »
Dans un souci d’assainissement du cyberespace du Bénin, l’ANSSI, dont l’objectif est de créer un cyberespace attrayant et sécurisé pour une économie florissante, s’est dotée d’une stratégie nationale de sécurité numérique sur trois ans qui a été adoptée par le gouvernement en mai 2020.
Selon M. Ouanilo Jérôme Medegan, la stratégie va de la protection des systèmes d’information et des infrastructures critiques à la coordination nationale et la coopération internationale, en passant par la lutte contre la cybercriminalité ainsi que l’évolution du cadre juridique et réglementaire notamment.
Dans toutes les grandes villes du pays, la police républicaine procède ainsi à des arrestations régulières de présumés cybercriminels. Des centaines d’hommes et de femmes ont été appréhendés en l’espace de deux ans, provoquant vraisemblablement une sorte d’exode des fameux « Guy Men », les cyberescrocs. Mais, selon le journaliste Bamidélé Laourou, « dans cette traque de la police républicaine contre les cybercriminels, il a été noté que certains agents des forces de l’ordre fouillent de manière abusive les téléphones portables des citoyens sans raison apparente. Une situation qui a suscité l’indignation des populations. Sur les réseaux sociaux, les réactions se sont enchaînées. »
En réponse aux internautes, dans un communiqué publié sur la page Facebook du gouvernement, le directeur général de la police républicaine a déploré cette déviance qui ouvre la voie au rançonnement de diverses natures et il rappelle que « la fouille du téléphone portable d’un individu est réglementée par une enquête judiciaire, car il contient des informations à caractère personnel et des informations sur la vie privée des citoyens. Il est donc demandé aux commandants d’unités de veiller au respect de la vie privée des usagers ».
Le Bénin s’emploie par ailleurs à détecter les talents de demain à travers des compétitions comme le HackerLab organisé chaque année à Cotonou par l’ANSSI.
Formations pratiques en cybersécurité, élaboration de la partie réglementaire du Code du numérique, déploiement d’une plate-forme donnant accès à tous les contenus de sensibilisation et finalisation de la Politique de sécurité des systèmes d’information de l’État (PSSIE) : le Bénin lutte sur tous les fronts contre un fléau en perpétuelle mutation.
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