Minerais: l’Afrique avance vers ses objectifs de transformation locale

Mzila Mthenjane, P.-D.G. du Conseil des mines d'Afrique du Sud s'exprime au MOTA 2025. Crédit photo : Laurence Soustras
Le continent, de plus en plus courtisé internationalement pour ses minerais critiques, réclame davantage de moyens lui permettant de partager ses ressources.
Un contexte de marché incertain, et pourtant une nouvelle dynamique : le monde des mines africain réuni à Paris la semaine dernière autour de l’événement Mining on Top Africa est apparu plus que jamais regroupé derrière son objectif d’établir de solides bases de transformation des minerais sur le continent et de faire du secteur un nouveau moteur de croissance pour ses économies. « Ce qui est nouveau et que j’ai ressenti dans la session de haut niveau avec les ministres africains que j’animais, c’est un optimisme plus fort : le fait de voir les Chinois, les Japonais, les Coréens, les Américains, les Européens, les Indiens, les Saoudiens, les Turcs venir sur le continent pour s’approvisionner en métaux critiques, ça leur permet d’être beaucoup plus exigeants, d’obtenir des critères ESG et un accompagnement avec des retombées locales immédiates »,souligne Jean‑Claude Guillaneau, de la Direction générale du BRGM, l’établissement public français de géologie.
Priorité à l’industrie locale
À la clé également, de meilleures perspectives pour avancer dans le traitement local de ces matières premières. Un objectif qui devient très pressant aux yeux des responsables africains. Le professeur Dieudonné Tambwe, coordonnateur de la Cellule technique de coordination et de planification minière en République démocratique du Congo (CTCPM), a rappelé que dans son pays il existe déjà une législation pour fixer la production à réserver à l’État, afin de la mettre à la disposition de l’industrie locale : « cela doit être décidé par le plan‑cadre de l’industrialisation qui déterminerait, par exemple, le tonnage de cuivre pour la production de câbles. Sachant que le pays est à 18 % électrifié, c’est une voie extrêmement ouverte pour l’industrie nationale ». Il a révélé que le Maroc vient de rejoindre, aux côtés de la RDC et de la Zambie, le centre d’excellence sur les batteries électriques établi à Lubumbashi (RDC). Kinshasa envisage de démarrer la fabrication de composants de batteries, puis, à plus long terme, de batteries et de véhicules électriques dans des zones économiques spéciales où les investisseurs étrangers bénéficieraient de conditions fiscales préférentielles. Il faut dire que le contexte des prix internationaux rend les priorités de structuration industrielle locale particulièrement propices. Après plusieurs mois marqués par une extrême volatilité, la Banque mondiale prévoit une baisse des prix de 10 % sur l’ensemble de l’année, les cours du cuivre reculant de 19 % entre 2024 et 2025, avec l’étain seul métal à tirer son épingle du jeu, aux côtés de plusieurs minerais critiques comme le lithium et le cobalt. Karim Dahou, directeur adjoint des Relations mondiales et de la coopération à l’O.C.D.E., voit dans cette évolution un risque pour les investissements, alors même que les besoins de la transition énergétique réclament d’énormes ressources pour financer la recherche géologique. Le professeur Dieudonné Tambwe a souligné que le continent n’avait pas les moyens de financer seul cet effort : « il faut un fonds mondial de solidarité, car cette transition énergétique nous engage tous », dit‑il, évoquant des ressources internationales destinées à la fois au développement des infrastructures, à l’industrialisation des mines, mais aussi à la formation des travailleurs du secteur.
Mines artisanales et mines illégales
Car le secteur minier africain est encore une affaire de « creuseurs » artisanaux, largement majoritaires dans l’extraction de l’or, par exemple. Longtemps combattue, la pratique tend aujourd’hui à évoluer vers une forme d’acceptation : l’objectif serait qu’elle soit encadrée par les autorités locales, avec l’idée de préserver les millions d’emplois que garantit le secteur et d’introduire une alternance saisonnière entre travail des champs et travail dans les mines. Il s’agirait surtout de bien différencier mines artisanales et mines illégales. Plusieurs pays sont confrontés à des mineurs illégaux étrangers opérant sans aucune licence, parfois dans des zones reculées et difficiles d’accès. En revanche, la mine artisanale informelle peut être plus facilement intégrée aux économies nationales et apporter des ressources fiscales aux gouvernements. La démarche est en cours en RDC et « actuellement, en Afrique du Sud, nous travaillons sur un amendement à la législation minière pour assurer que ces mines artisanales opèrent selon des normes de sécurité, que les conditions pour préserver la santé des mineurs soient respectées et qu’elles soient enregistrées en tant qu’entités légales », explique Mzila Mthenjane, P.‑D.G. du Conseil des mines d’Afrique du Sud.
Les infrastructures, le nerf de la guerre pour les mines africaines
Infrastructures ferroviaires pour amener les minerais vers les ports, infrastructures hydroélectriques, centrales électriques pour faire fonctionner les mines… le secteur minier draine un grand nombre de projets. « Une grande opportunité du continent est l’accès à de vastes ressources hydrauliques en RDC et Mozambique pour établir des programmes hydroélectriques qui fourniront une part importante d’énergie renouvelable », souligne Mzila Mthenjane. L’intégration régionale est un pas important dans cette direction, comme en témoigne le barrage de Sambangalou, à la frontière entre Sénégal et Guinée, au cœur du Projet énergie de l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Gambie (OMVG). Cette initiative implique quatre pays (le Sénégal, la Gambie, la Guinée et la Guinée‑Bissau) et promet une puissance installée de 128 MW. En Guinée même, le projet minier géant de Simandou, qui comprend une aciérie, va connaître un coup d’accélérateur avec le premier essai, à la fin de l’année, de sa ligne de chemin de fer de 650 km de long pour l’évacuation du minerai.
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