La Banque africaine de développement au carrefour

La Banque africaine de développement au carrefour

Assemblées annuelles du groupe de la BAD : 3 000 participants attendus. Crédit photo: BAD

Rédigé par Laurence Soustras

Modifié le 26 mai 2025

L’institution panafricaine tient ses assemblées annuelles cette semaine. Elle doit choisir un successeur au président Akinwumi Adesina qui achève son deuxième mandat.

« Tirer le meilleur parti du capital de l’Afrique pour favoriser son développement » : le thème des assemblées annuelles de la Banque africaine de développement (BAD) qui se tiennent cette semaine à Abidjan donne bien le ton d’une nouvelle prise de conscience. Après le recul de l’aide occidentale et l’explosive suspension de l’aide américaine qui a frappé de plein fouet le secteur humanitaire ainsi que le financement des start‑up, l’heure est à la réflexion sur les ressorts propres au continent pour propulser sa croissance.

On attend 3 000 participants : chefs d’État, ministres des Finances et gouverneurs des banques centrales des 81 pays membres ont fait le voyage à Abidjan, la capitale ivoirienne où siège l’institution. Ils y sont traditionnellement rejoints par les responsables des institutions financières et des structures de développement, ainsi que par des experts universitaires et des acteurs du secteur privé. Cette année prend une teinte particulière avec le départ annoncé du président actuel du groupe de la Banque africaine de développement, Akinwumi Adesina. Il achève son deuxième et dernier mandat. Cette semaine, les conseils des gouverneurs de la BAD et du Fonds africain de développement vont donc élire un nouveau président qui sera à la tête de l’institution pour les cinq prochaines années.

Un lieu d’échanges pour les actionnaires 

Traditionnellement, les assemblées annuelles constituent un lieu d’échanges privilégié entre les actionnaires du groupe de la BAD. Il s’agit de revenir sur le bilan des mois passés et de dessiner les priorités de l’année à venir. « Mobiliser le capital institutionnel africain pour un développement durable dans un contexte de recul du financement extérieur », tel que s’intitule l’une des tables rondes de haut niveau, donne un aperçu des urgences. Alors que le continent s’est attaqué au grand chantier de la transformation de ses matières premières, la question des droits de douane devrait inévitablement s’inviter aux discussions. Plusieurs pays africains, dont Madagascar et le Lesotho, se sont vus imposer par l’administration Trump des tarifs douaniers prohibitifs pour leurs exportations vers les États‑Unis. À ces griefs, s’ajoute ce que le président actuel Akinwumi Adesina appelle la « prime Afrique », celle que les pays paient lorsqu’ils empruntent sur les marchés des capitaux, en raison d’un risque perçu plus élevé. Certaines estimations placent les taux d’intérêts payés en excès par le continent africain à 24 milliards de dollars, et un projet d’agence de notation intra‑africaine est en cours pour déjouer la dominance des grandes agences de notation internationales. C’est dans ce contexte que cinq candidats à la présidence de l’institution panafricaine sont sur les rangs pour succéder à Akinwumi Adesina.

Quelle succession ?

L’Afrique anglophone et l’Afrique francophone tendent à se diviser en deux lignes distinctes quand il s’agit de choisir le nouveau dirigeant de l’institution panafricaine. La Sud‑africaine, Swazi Tshabalala, vice‑présidente de la BAD, a longtemps été donnée favorite. Mais ces dernières semaines, Sidi Ould Tah, ancien président de la Banque arabe pour le développement économique de l’Afrique est rapidement monté au créneau – obtenant le soutien affiché de plusieurs pays tels Djibouti, le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Congo, la Tanzanie, ainsi que son pays d’origine, la Mauritanie. Le candidat séduit par son expérience de banquier international et son programme en quatre priorités : faciliter l’accès à des capitaux abordables pour améliorer la liquidité des États africains ; valoriser le capital humain, notamment la jeunesse, via la formalisation du secteur informel et des incitations fiscales ; renforcer l’industrialisation en arbitrant les choix énergétiques et la résilience climatique ; enfin, réformer l’architecture financière africaine.

 

Des choix difficiles

Ce qui est certain, c’est que la personne nommée à la présidence du groupe de la BAD va se trouver confrontée à un contexte financier instable. Il y a quelques semaines, l’administration Trump a annoncé qu’elle supprimait sa contribution au guichet concessionnel de la BAD, ce qui représente 500 millions de dollars habituellement alloués au Fond africain de développement. En novembre, la BAD va affronter une autre épreuve : la dix‑septième reconstitution des ressources du Fonds africain de développement (FAD‑17). La Banque mondiale espère parvenir à lever 25 milliards de dollars, une goutte dans un océan, puisque 31 pays africains ne sont éligibles qu’à ce guichet concessionnel pour leurs financements. Pour l’heure, le retrait de l’aide américaine et les incertitudes sur les engagements européens semblent laisser la Banque africaine de développement avec peu de marge de manœuvre, si ce n’est poursuivre la voie ouverte par Akinwumi Adesina : le recours aux marchés des capitaux et la diversification des donateurs.

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