Recul de l’aide internationale : quelles solutions pour l’Afrique ?

Le reflux inexorable des ressources d’aide au développement fait courir de nouveaux risques à l’Afrique, alors que le FMI propose une meilleure mobilisation des ressources domestiques intérieures des États.
La litanie des annonces de suppressions de crédits d’aide internationale ne cesse de s’allonger. Dans le sillage de la décision de suspendre une grande partie des crédits de l’agence d’aide américaine USAID, c’est tout un pan du système multilatéral du développement qui se trouve menacé. C’est ainsi que cette semaine le Programme alimentaire mondial, agence onusienne et plus importante organisation humanitaire au monde, financée à 46 % par l’aide américaine, a annoncé dans un message au personnel qu’elle allait supprimer 25 à 30 % de ses effectifs, soit 6 000 emplois. La réduction des rations alimentaires dans des camps de réfugiés au Kenya et la baisse des crédits vont avoir des impacts considérables sur l’aide alimentaire en Éthiopie et au Soudan, où la situation était déjà désespérée en raison des attaques continuelles à l’encontre des civils. Les O.N.G., relais traditionnel de l’aide publique internationale, ne sont pas épargnées, alors même qu’elles sont confrontées à des défis de sécurité croissants : il y a quelques semaines, le personnel local de l’organisation Relief International a trouvé la mort dans des attaques qui ont tué plus de 200 civils. Le brutal retournement des flux d’aide américaine, intervenu après le recul sensible des flux européens de développement, s’est rapidement propagé sur tout le continent. « Aujourd’hui, très concrètement, des programmes sont à l’arrêt, souligne Erick Maville, président de l’association Santé en Entreprise : ce sont des programmes de mise sous traitement de personnes qui vivent avec la tuberculose ou le V.I.H., les campagnes de moustiquaires pour lutter contre le paludisme qui sont à l’arrêt. On voit des organisations, des pays dont les programmes étaient financés par les États‑Unis qui se demandent comment ils vont faire pour passer l’année et qui sont également, très concrètement pour certaines O.N.G., en train de licencier du personnel et d’arrêter des programmes. »
Mission taxes et impôts
Ceux qui espéraient des réponses claires de l’administration Trump lors des rencontres du printemps du FMI et de la Banque mondiale à Washington ont été particulièrement déçus. Le débat sur l’augmentation des tarifs douaniers qui pénalise également plusieurs économies du continent a fait passer au second plan l’ambition d’un véritable débat sur les fonds nécessaires pour remplacer l’aide américaine. Et le FMI a donné l’impression de vouloir totalement changer de paradigme : autrement dit, moins d’aide et plus de mobilisation des ressources domestiques – ce qui implique le recours à des taxes et à des impôts : « les arbitrages seront difficiles pour tous, a admis Kristalina Georgieva, Directrice du FMI, mais ils le seront particulièrement pour les pays à faible revenu, confrontés à la fois à des conditions financières difficiles, à un ralentissement de la croissance mondiale et à une diminution des flux d’aide. Pour faciliter ces arbitrages, la mobilisation des ressources nationales doit être intégrée. Nous ne pouvons pas avoir des pays avec un ratio impôt/PIB inférieur à 15 % où il est difficile de maintenir le fonctionnement de l’État. » Abebe Aemro Sélassié, directeur du département Afrique du FMI, a ajouté que cette approche devait, en Afrique particulièrement, s’accompagner d’une priorisation des dépenses, tout en « réfléchissant aux solutions possibles pour stimuler la croissance à moyen terme », en faisant appel au secteur privé.
Un message spécial pour l’Afrique
Un autre levier pour l’Afrique est l’approfondissement du commerce et de la coopération interrégionaux et une attention particulière à la gouvernance. « Mais, premièrement, a martelé Kristalina Georgieva, continuez à renforcer vos fondamentaux. Et n’allez pas chercher des excuses en disant “Oh, c’est difficile, on ne peut pas vraiment augmenter les impôts”, car oui, c’est possible. Il y a beaucoup à faire pour élargir l’assiette fiscale et réduire la fraude et l’évasion fiscales. Utiliser la technologie pour améliorer la collecte est une excellente chose. » D’autant que, dans ce contexte troublé, l’accès aux marchés de capitaux privés ne va pas devenir plus aisé pour l’Afrique. Déjà en 2024, le coût moyen des intérêts par rapport aux revenus des gouvernements africains avait progressé de 19 % en cinq ans. Pendant les réunions de printemps, le FMI s’est félicité de la mise en place d’un manuel qui permettrait de tenir compte des expériences passées de restructuration de la dette, mais ses officiels se sont tenus à l’écart du débat qui a empoisonné les restructurations du Ghana et de la Zambie : déterminer si les petites banques multilatérales Afreximbank et la Banque de développement et de commerce de l’Afrique orientale et australe (TDB) devaient bénéficier du même statut de créancier privilégié que les plus grandes institutions telles la BAD ou la Banque mondiale – un statut qui leur permet de ne pas participer aux rééchelonnements de la dette en leur garantissant un remboursement prioritaire. Plusieurs créanciers privés, dont J.P. Morgan, contestent ce statut et voudraient les voir prendre leur part du fardeau. Pour le moment, l’Union africaine soutient ses institutions et chacun campe sur ses positions. De quoi bloquer la résolution des défauts de paiements et encore compliquer l’accès aux financements pour l’Afrique.
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