L’Afrique cherche à se rapprocher du groupe des pays BRICS

Plusieurs États africains souhaitent intégrer le groupe des BRICS qui tient son sommet à Johannesburg aujourd’hui.
Une autre semaine déterminante pour l’Afrique ? Le sommet des pays BRICS qui se tient à partir d’aujourd’hui à Johannesburg coche en tout cas toutes les cases d’une nouvelle opportunité pour le continent de passer à la vitesse supérieure de ses ambitions sur la scène internationale : devenir une voix qui compte pour l’avenir non seulement du continent, mais aussi du nouvel ordre économique et financier mondial. Cette volonté déjà exprimée pendant le Sommet pour un nouveau pacte financier à Paris en juin dernier s‘est à nouveau fait sentir lors du sommet Russie-Afrique qui s’est tenu à la fin du mois dernier à Saint-Pétersbourg – à l’occasion duquel le président Vladimir Poutine s’est trouvé confronté à la lassitude de l’Afrique. Seulement 17 chefs d’États africains sur 40 s’étaient alors déplacés, principalement en raison du contexte de la guerre russo-ukrainienne, mais pas seulement : l’un des absents, le président du Kenya William Ruto, s’est ainsi déclaré pleinement représenté par l’Union africaine, expliquant par ailleurs qu’il estimait révolu le temps où « les chefs d’État africains étaient embarqués comme des enfants dans un bus » pour des sommets étrangers. La mission de la paix entamée en juin par six chefs d’État du continent, qui réclamaient notamment la réouverture des ports de la mer Noire pour assurer les livraisons de céréales à l’Afrique, n’a pas abouti. Et le sort de l’accord sur les exportations de céréales ukrainiennes, sous l’égide des Nations unies, auquel Moscou a mis un terme en juillet, a fortement irrité les chefs d’État africains. Résultat : une ambiance refroidie entre la Russie et l’Afrique. D’ailleurs, souligne Priyal Singh, chercheur à l’Institut d’études de sécurité en Afrique du Sud, « je ne pense pas qu’il y ait eu une contribution africaine significative dans la déclaration qui a conclu le deuxième sommet Russie-Afrique. Vu le peu de progrès tangible enregistré depuis la déclaration du premier sommet à Sotchi en 2019, il serait intéressant que les États africains et la Russie développent un mécanisme de suivi des engagements, car j’ai le sentiment que les leaders africains sont de plus en plus désillusionnés par le nombre de ces sommets Afrique + 1 qui n’aboutissent pas à des résultats concrets en matière de développement ou de construction d’infrastructures ». De Saint-Pétersbourg, l’Afrique a ramené une donation russe de céréales pour six États africains perçus comme proches de Moscou et une promesse d’annulation de 23 milliards de dollars de dettes. Finalement, reprend Priyal Singh, « beaucoup d’États africains sont revenus encore un peu plus perplexes et sceptiques au sujet de ce que la Russie cherche exactement à faire. Bien que d’un autre côté il y ait aussi des pays africains qui sont revenus en se disant que Moscou représente un bon partenaire alternatif à l’occident, et cela sans grande conditionnalité ».
C’est dans ce contexte que s’ouvre le sommet des BRICS. Le groupe est composé du Brésil, de la Russie, de l’Inde, de la Chine et de l’Afrique du Sud, qui est l’hôte du sommet. Les circonstances du conflit russo-ukrainien, la détérioration des relations entre la Russie et les États-Unis d’un côté, les États-Unis et la Chine de l’autre, et la désillusion de l’Afrique, rendent l’occasion particulière. Les pays de l’hémisphère sud, ralliés au concept d’un nouveau Global South plus influent et mieux représenté dans les affaires du monde, demandent l’élargissement du groupe. En Afrique même, six pays dont le Nigeria se sont portés candidats, bien que seulement trois (l’Éthiopie, l’Algérie et l’Égypte) aient fermement confirmé leur volonté d’intégrer les BRICS. L’Égypte, membre depuis mars dernier de la banque des BRICS, la New Development Bank, est bien positionnée. D’autant que le sommet devrait également parler d’argent : la dominance du dollar américain, monnaie de réserve internationale, est perçue comme « apportant aux États-Unis une influence disproportionnée dans le monde entier, pas seulement parce que le dollar est la monnaie des transactions internationales, mais aussi parce que son utilisation donne à Washington le droit d’enquêter partout dans le monde », souligne Priyal Singh. Les analystes s’attendent à ce que le sommet accentue ce sentiment d’appartenance à un groupe de pays sur le chemin de la conquête de son influence et de son indépendance économique. Cela pourrait se traduire a minima par une feuille de route, non seulement sur l’élargissement du groupe, mais aussi sur la création d’un futur système commun de paiement et l’utilisation plus fréquente de devises locales pour les transactions entre pays BRICS.
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