MSC et Bolloré: un nouveau paysage portuaire africain

Hervé Deiss
En cédant ses activités africaines, Bolloré pourrait modifier le paysage portuaire.
Le groupe Bolloré et l’armement italo-suisse Mediterranean Shipping Company (MSC) sont entrés en négociation exclusive pour la vente de tous les actifs de Bolloré Africa Logistics le 22 décembre. Une cession qui pourrait modifier sensiblement le paysage portuaire africain.
L’annonce en octobre de la cession des activités de Bolloré avait déjà fait l’effet d’une bombe. L’information du 22 décembre selon laquelle ètait décidée une période de trois mois pendant laquelle le groupe MSC entrerait en négociation exclusive avec Bolloré a confirmé les intentions de vente.
« Le groupe Bolloré a été le premier investisseur en Afrique depuis plusieurs décennies. Ces dernières années, nous avons entendu de nombreuses oppositions au groupe français. La vente de ces actifs peut aussi être une réponse à ces discrédits », nous a confié un ancien salarié de Bolloré et de MSC.
Toujours est-il que cette vente va singulièrement modifier le paysage portuaire africain.
En effet, Bolloré, en partenariat avec APM Terminals, filiale de Mærsk, est présent dans une quinzaine de terminaux conteneurisés d’Afrique de l’Ouest ainsi que sur le roulier et le conventionnel. De plus, Bolloré Africa Logistics a étendu son réseau en Inde, en Haïti et au Timor oriental.
Lomé et Abidjan : la guerre entre les hubs aura-t-elle lieu ?
Le rachat par MSC, au travers de sa filiale dédiée à la manutention portuaire Terminal Investment Limited (TIL), pourrait changer le visage du paysage portuaire africain.
En Afrique, TIL est présent dans les ports de San Pedro et Lomé. Si la cession se concrétise, l’opérateur deviendrait alors l’unique manutentionnaire de conteneurs en Côte d’Ivoire, en partenariat avec APM Terminals sur Abidjan. Et la principale question que se posent les observateurs est de savoir ce qu’il adviendra de la position de Lomé et d’Abidjan.
En effet, TIL a fait de Lomé le hub pour MSC en Afrique de l’Ouest avec une redistribution des conteneurs de Dakar à Luanda. Le port togolais conservera-t-il son statut ou sera-t-il supplanté par Abidjan ? Le groupe français envisageait de faire du port ivoirien une plate-forme de transbordement en disposant des deux terminaux à conteneurs du port.
La question n’a pas encore trouvé de réponse. Il faudra attendre la réalisation de la vente et l’explication par MSC de sa stratégie portuaire africaine.
Une longue liste de repreneurs potentiels
Enfin, quand en octobre l’annonce de la vente des actifs de Bolloré a fait surface, les professionnels de la logistique portuaire ont tenté d’imaginer un classement des opérateurs susceptibles de postuler au dossier. Tous les observateurs ont placé en première place le groupe Mærsk. La filiale manutention portuaire de Mærsk, APM Terminals, est partenaire du groupe Bolloré dans de nombreux ports comme Abidjan, Monrovia, Tema ou encore Tin Can (Lagos, Nigéria). APM Terminals semblait tout choisi pour reprendre les actifs, d’autant plus que les armateurs conteneurisés ont réalisé des bénéfices sans précédent en 2021. Selon Jérôme de Ricqlès, expert maritime de Upply, les bénéfices des principaux armateurs conteneurisés dépasseraient les 120 millions de dollars au total, soit plus que les GAFA, les quatre plus grandes entreprises américaines de l’Internet.
En seconde place, le groupe de manutention DP World tenait la corde. Déjà présent à Dakar et dans des pays d’Afrique de l’Est, le groupe de Dubaï n’a jamais caché sa stratégie d’expansion sur le continent. Ensuite venaient les concurrents de Bolloré, comme le chinois Cosco Ports et le Philippin Ictsi. Enfin, les armateurs comme CMA CGM figuraient en bonne place, disposant d’un « trésor de guerre » suffisant pour s’offrir une filiale manutention en Afrique, suite à la réalisation de bénéfices records en 2021.
À voir aussi

Vatican : l’Américain Robert Prevost devient le pape Léon XIV
Les noms de plusieurs candidats africains avaient été évoqués pour succéder au pape François. Hier, à l’issue du conclave, le cardinal américain Robert Francis Prevost est devenu le pape Léon XIV.

Entretien avec Firmin Krékré, professeur à l’ENS d’Abidjan et expert en stratégie sécuritaire
Ancien haut responsable de la sécurité nationale et aujourd’hui professeur à l’École Normale Supérieure d’Abidjan, Firmin Krékré est l’une des voix les plus avisées en matière de stratégie sécuritaire sur le continent africain. Fort de son expérience au cœur des enjeux de défense et d’intelligence, il publie en 2024 deux ouvrages de référence : « Traité de terrorisme en Afrique » et « Essai sur les nouveaux défis de la sécurité en Afrique ». Il y décrypte les dynamiques du terrorisme djihadiste, les failles structurelles des États et les mutations de la notion de sécurité dans un monde de plus en plus instable. Entre lucidité géopolitique et appel à la coopération régionale, Firmin Krékré milite pour une sécurité globale, humaine et intégrée — où États, institutions et populations travaillent main dans la main pour bâtir un avenir plus sûr pour l’Afrique. / Journaliste : Alexandra Vepierre

Recul de l’aide internationale : quelles solutions pour l’Afrique ?
Le reflux inexorable des ressources d’aide au développement fait courir de nouveaux risques à l’Afrique, alors que le FMI propose une meilleure mobilisation des ressources domestiques intérieures des États.

La production d’huile de palme stabilise l’économie des habitants de Beni
À Beni, dans l'est de la RDC, la production artisanale d’huile de palme devient un pilier économique pour une population durement frappée par l’insécurité. Source de revenus, d’emplois et d’espoir, cette activité permet à des milliers d’habitants, comme Jeanne Mbula et Kakule Benoit, de reconstruire leur vie. Dans ce reportage, découvrez comment la filière de l’huile de palme contribue à soutenir l’économie locale malgré les défis sécuritaires, et comment elle pourrait devenir un moteur de développement pour toute la région. Journaliste : Daniel Michombero