Les femmes sont les moteurs du développement de l’Afrique

Déborah Weil
Le rôle des femmes dans le développement de l’Afrique est souvent minimisé. Pourtant, elles sont très impliquées dans l’économie et de plus en plus présentes dans l’ensemble des secteurs d’activités. Mais des inégalités persistent et rendent difficile leur pleine intégration à l’économie du continent.
Le travail des femmes africaines est souvent invisible dans le PIB du continent, qui ne prend pas en compte le travail domestique et le travail bénévole. Pourtant, la participation féminine à l’économie locale est colossale. Selon la Banque de Développement, les femmes représentent près de 70 % de la main d’œuvre agricole. Une preuve notoire de leur présence au cœur du développement du continent.
Elisabeth Hofmann, membre fondatrice de l’Institut des Afriques à Bordeaux et maîtresse de conférences en genre et développement, spécialiste de l’Afrique subsaharienne, nous explique que « les femmes, dans la majorité des régions de l’Afrique, produisent l’essentiel des cultures vivrières pour nourrir la famille. Elles sont chargées de transformer le surplus en produit, pour le commercialiser ». Cette contribution non négligeable à l’économie est pourtant rendue invisible, en raison de la gratuité du travail de la main d’œuvre féminine. Le statut de « main d’œuvre familiale et gratuite » explique l’occultation de l’activité féminine dans l’analyse du développement économique du continent.
Elisabeth Hofmann précise que, si les femmes sont moins rémunérées que les hommes, elles n’en demeurent pas moins actives : « les femmes sont très actives dans le domaine des services à la personne, comme la coiffure. Elles sont aussi très nombreuses à travailler dans l’économie sociale et solidaire ». Leur activité est souvent concentrée dans les secteurs informels, car elles sont confrontées à des difficultés, qui les empêchent de se développer dans les activités les plus rentables.
Des inégalités qui persistent
Le travail des femmes est essentiel au développement de l’Afrique, mais il fait face à des difficultés. « Le premier frein est l’éducation. Le niveau de formation des femmes est plus faible que celui des hommes. Par exemple, une femme qui tient un commerce peut vendre à perte, car elle manque de connaissances en comptabilité. Elle peut également stagner dans son activité, en raison de son manque de maîtrise des outils marketing », nous explique Elisabeth Hofmann.
De plus, les femmes ne bénéficient pas des mêmes droits que les hommes, notamment en matière de droit à la propriété foncière (moins de 5 % des terres agricoles du Mali sont détenues par des femmes) ou de droit à l’obtention de crédit (au Kenya, les femmes n’ont accès qu’à seulement 7 % de l’ensemble des crédits). À cela s’ajoutent les enjeux de discrimination à l’embauche, d’inégalités salariales, et de violences, qui sont autant d’exemples non exhaustifs des difficultés rencontrées par les femmes africaines lors de leurs activités.
Les femmes en Afrique sont très présentes dans les secteurs où la productivité est faible, où la concurrence est très forte et où la marge bénéficiaire est peu importante. L’augmentation du rendement et de la productivité de leurs activités est un enjeu central pour le développement de l’Afrique.
« Les femmes sont essentielles au développement du continent. Il faut qu’elles s’organisent ensemble pour faire entendre leur point de vue et faire évoluer les réalités législatives qui les freinent dans leur travail. Il faut qu’elles agissent collectivement en tant que force sociale pour impulser des changements de société, qui, in fine, bénéficieront au développement de l’ensemble du continent », conclut Elisabeth Hofmann.
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