Les ambitions africaines de Giorgia Meloni

Les ambitions africaines de Giorgia Meloni

Le gouvernement italien veut réduire la dépendance énergétique du pays grâce aux partenariats avec des fournisseurs africains. Crédit photo : Turismo Roma

Rédigé par Ariel Dumont

Modifié le 4 septembre 2024

Pour résoudre la question de l’immigration clandestine, accroître l’influence de l’Italie en Méditerranée et ouvrir de nouveaux partenariats, Giorgia Meloni demande à l’Union européenne d’accélérer sa participation au développement de l’Afrique.

 

Avant de remporter les élections législatives le 25 septembre 2022, Giorgia Meloni, avait construit sa campagne électorale sur la lutte contre l’immigration illégale, le sujet qui fâche les Italiens. À l’époque, l’égérie de l’extrême droite italienne évoquait l’urgence d’instaurer un blocus naval des côtes nord‑africaines. Mais cela, c’était il y a deux ans. Depuis, Giorgia Meloni, qui est devenue présidente du Conseil italien, a abandonné son lance‑flamme et adouci ses discours. Elle parle toujours de combattre l’immigration clandestine mais, pour atteindre cet objectif, elle propose de renforcer la collaboration avec l’Afrique en participant au développement économique de ce continent. L’idée de Giorgia Meloni est aussi d’accroître l’influence de l’Italie en faisant de son pays un pont entre l’Europe et l’Afrique, où la Russie, la Chine mais aussi l’Inde et le Japon sont bien implantés. Pour l’économiste Marco Cecchini, « l’objectif de Giorgia Meloni est triple : elle veut permettre à l’Italie de jouer un rôle essentiel dans la zone méditerranéenne et en Europe, en impliquant l’Union européenne dans sa stratégie, puis résoudre les problèmes de la dépendance énergétique italienne en renforçant les partenariats avec ses fournisseurs africains en échange d’une aide au développement ».

 

Le plan Mattei

Pour concrétiser ses ambitions africaines, la patronne du paquebot Italie a multiplié les discussions et les réunions. Ainsi, elle a profité du sommet de l’OTAN qui s’est déroulé à Washington en juillet dernier pour souligner l’influence économique et politique de la Russie et de la Chine en Afrique qui fragilise l’occident et l’alliance. Elle a aussi revendiqué une présence plus importante de l’OTAN sur le terrain et affirmé que l’alliance ne peut pas rester indifférente face aux défis et aux opportunités que l’Afrique doit relever. Ce discours s’inscrit dans la ligne adoptée par Giorgia Meloni durant un sommet en janvier dernier à Rome. Un événement auquel avaient été conviés les dirigeants de plus de 25 pays africains, la présidente de la Commission européenne Ursula Von der Leyen et des représentants des agences des Nations unies et de la Banque mondiale. Au menu : le plan « Mattei », en référence à l’industriel Enrico Mattei, fondateur de l’Institut national des hydrocarbures (ENI), le colosse énergétique italien qui préconisait déjà dans les années 50 un partenariat étroit avec les pays africains pour les aider à développer leurs ressources naturelles. Avec en échange, bien sûr, des retombées économiques importantes pour la Péninsule. 

 

Des investissements massifs 

Giorgia Meloni, qui a essayé de vendre son plan Mattei à l’Union européenne en lui faisant miroiter de nouvelles voies d’approvisionnements énergétiques, serait prête à débloquer quelque 5.5 milliards d’euros afin de financer son programme d’ici 2030 pour intervenir dans des secteurs clefs. À savoir : l’éducation et la formation professionnelle, la santé, l’accès à l’eau, l’énergie bien sûr sous le regard bienveillant de l’ENI, et enfin l’agriculture. « C’est finalement une approche d’égal à égal. Giorgia Meloni a compris que l’Afrique n’a plus besoin de charité, mais d’une coopération globale, réciproque et durable », estime Toni Iwibo, un Nigérian naturalisé italien, ex‑sénateur de la Ligue qu’il a quittée pour adhérer à Forza Italia, le parti de centre droit fondé par Silvio Berlusconi en 1993. Mais, selon ce politicien, pour concrétiser ses ambitions africaines, Giorgia Meloni doit impliquer la diaspora installée en Italie et en Europe « qui peut dialoguer avec les dirigeants africains ». Et aussi l’Union européenne, « qui doit revoir sa place dans un monde qui bouge rapidement d’un point de vue géopolitique ».  

 

De nombreux obstacles

Soit, mais c’est là que le bât blesse. Au départ, le plan Mattei a séduit les institutions européennes qui ont estimé qu’il s’inscrivait dans la nouvelle approche de coopération avec l’Afrique. Mais cela, c’était en février. Depuis, il y a eu les élections européennes. Giorgia Meloni a refusé de soutenir Ursula Von der Leyen lors de sa réélection en juillet dernier, ainsi que les candidatures du Portuguais Roberta Costa, nouveau président du Conseil européen et de l’Estonienne Kaja Kallas qui dirige la diplomatie européenne. « Pour réussir à faire passer ses idées et ses projets, il faut jouer dans la cour des grands. Or, en refusant de voter pour Ursula Von der Leyen et de soutenir les autres candidatures, Giorgia Meloni s’est affaiblie et a isolé l’Italie, sans compter le fait qu’elle a refusé de rallier le bloc des extrêmes droites qui siègent à Bruxelles, elle n’est ni d’un côté ni de l’autre », analyse Marco Cecchini. Dans ce contexte, l’avenir du plan Mattei et les ambitions africaines de Giorgia Meloni ne sont pas inscrits dans le marbre.

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