Rwanda – Nations unies : un rapport controversé sur la situation dans l’est du Congo
Alors que le président du Rwanda Paul Kagame poursuit son mandat après l’élection présidentielle de cette semaine, un rapport confidentiel des Nations unies détaille le rôle de son pays dans les combats dans l’est du Congo.
« Un rapport non publié et invalide » : c’est en ces termes que Yolande Makolo, porte‑parole du gouvernement rwandais a décrit les récentes conclusions d’un groupe d’experts des Nations unies sur la guerre dans l’est de la République démocratique du Congo. Dans ce rapport confidentiel examiné par plusieurs agences de presse, des experts indiquent disposer de « preuves solides » selon lesquelles les troupes militaires rwandaises sont engagées dans des combats aux côtés du groupe rebelle M23, leur apportant leur support et des armes. Le M23 dément également tout soutien rwandais, en dépit des éléments de preuves qui s’accumulent depuis plusieurs mois. Le groupe des Nations unies a ainsi repéré la présence de forces rwandaises dans le territoire de Rutshuru entre novembre 2021 et juillet 2022. Elles y conduisaient des attaques conjointes avec les rebelles M23 contre les forces congolaises, les équipant en armes, munitions et uniformes. À l’appui de ces affirmations : des photos de soldats rwandais dans le camp M23 et des vidéos de drones montrant des colonnes de centaines de soldats se déplaçant à proximité de la frontière rwandaise, ainsi que des rebelles M23 portant de nouveaux uniformes et des équipements similaires à ceux de l’armée du Rwanda.
DES CONSÉQUENCES HUMAINES ET ÉCONOMIQUES DÉSASTREUSES
Alors que le M23 a lancé l’une de ses plus violentes offensives depuis le mois de mai, tuant et déplaçant des dizaines de milliers de personnes, la mission de paix des Nations unies au Congo s’est trouvée accusée de manquer à son devoir de protection de la population civile. Les tensions régionales deviennent régulières, avec les interventions militaires de deux pays – le Rwanda et l’Ouganda – contre ce qu’ils décrivent comme des attaques de milices. En effet, en avril, un rapport des Nations unies a noté que le gouvernement congolais continue de son côté à utiliser des milices Wazalendo (patriotes) ainsi que les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), un groupe hutu armé, comme combattants par procuration contre les rebelles du M23 et les forces de l’armée rwandaise. Cette situation a des conséquences humaines et économiques dramatiques pour le pays, comme l’a rappelé le rapport annuel du Secrétaire général des Nations unies cette année. Il y confirme 3 764 graves violations du droit contre 2 838 enfants en RDC, mais aussi l’ampleur du recrutement des plus jeunes par ces groupes armés qui les utilisent comme gardes, porteurs, espions ou encore gardiens de fétiches. Au moins 1 861 enfants dont 326 filles seraient actuellement dans cette situation selon l’organisation internationale. Ils sont vraisemblablement plus nombreux.
UNE CERTIFICATION DÉTOURNÉE ?
Le rapport d’avril du groupe d’experts détaille également l’exploitation illégale des ressources naturelles par les deux camps, ce qui rend leur certification et leur commerce éthique totalement impossibles. L’or, l’étain et le tantale, un minerai clé pour l’industrie électronique, sont particulièrement concernés, avec l’une des plus grandes mines de tantale du Congo, Rubaya, actuellement aux mains de groupes armés. Dans un communiqué officiel, le ministère des Mines du Congo précise que les rebelles du M23 qui ont apparemment réussi à prendre le contrôle de la mine au printemps se sont vite trouvés confrontés à un double obstacle : l’impossible certification du minerai extrait et le risque pour les pays avoisinants qui écoulent cette production illégale de gonfler leurs statistiques commerciales, suscitant des soupçons. La solution a été la diversion : « les vendeurs de ces minerais prenaient une autre trajectoire, de Rubaya à Mushake (où le M23 avait, pour besoin de la cause, érigé un grand entrepôt) et de Mushake vers le Rwanda ou l’Ouganda pour traitement et exportation. Curieusement, ces mêmes minerais, issus de l’exploitation illicite avec ses effets collatéraux, une fois au Rwanda ou ailleurs, sont tagués et vendus normalement à l’international, comme si dans ces pays il existait des blanchisseries des minerais de sang », souligne le communiqué. La République démocratique du Congo continue de dénoncer l’accord de coopération sur les matières premières signé entre le Rwanda et l’Union européenne en février dernier, faisant valoir que son voisin ne possède dans son sous‑sol que très peu de minéraux critiques et qu’ils sont donc pillés ailleurs.
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