Violences sexuelles en RDC : des associations féminines se mobilisent

Des femmes victimes de violences sexuelles lors des combats entre les rebelles et les soldats du gouvernement congolais à Goma, en République démocratique du Congo, le 25 novembre 2012. © CARE/Kate Holt
En RDC, dans les provinces de l’Est en proie aux conflits depuis plus de 30 ans, les femmes demeurent les principales victimes des exactions commises par divers groupes armés opérant dans la zone. C’est dans ce contexte que des associations mènent des actions de sensibilisation et plaident pour endiguer le fléau des violences sexuelles.
Selon l’O.N.G. internationale CARE, le Nord-Kivu était en 2023 la province où l’on rapportait le nombre le plus élevé de violations et abus des droits humains. Les femmes et les jeunes filles sont les premières victimes de violences sexuelles.
Des femmes citoyennes et engagées
Pour lutter contre ce fléau, de nombreuses associations voient le jour et se mobilisent aux côtés des victimes. À l’initiative de ces mouvements, on trouve des femmes engagées dans la protection, la défense et la promotion du droit des femmes dans la région. C’est le cas de l’activiste congolaise, Anny Mody, elle-même survivante de violences liées à ces conflits à Goma, cofondatrice de l’association à but non lucratif Afia Mama [santé de la femme en swahili]. Présente dans les 26 provinces du pays, cette O.N.G. mène depuis 2012 des actions de sensibilisation, de référencement ou encore d’accompagnement juridique auprès des femmes victimes de violences sexuelles.
Ayant connu la guerre en 1996, Anny Mody a eu un véritable déclic. « Avoir eu un enfant dans la zone de guerre et avoir été moi-même réfugiée et déplacée de guerre a fait que je puisse m’investir et faire entendre la voix des sans voix, faire connaître leurs problèmes et m’assurer qu’elles obtiennent les services, les réponses et les réparations dont elles ont besoin », témoigne l’activiste.
Une lutte partagée également par la militante Grace Maroy, qui a créé en 2019 à Bukavu, au Sud-Kivu, l’association Mwanamke Kesho. « Les formes de violence auxquelles les femmes sont confrontées ont un impact considérable sur leur bien-être, leur autonomisation et leur développement, explique-t-elle, et j’ai constaté un manque de participation et d’engagement de la part des jeunes filles et des femmes sur ces questions importantes pour la société. L’objectif est donc de leur donner les outils nécessaires pour devenir les femmes de demain, capables de s’engager dans la société et de défendre leurs droits. » Des droits qui couvrent tous les domaines, que ce soit un accès égalitaire à l’éducation, la santé ou la sécurité. Dans le cadre de son association, Grace Maroy encourage également l’autonomie économique ou encore la participation politique de ces femmes.
Des associations qui œuvrent à la réinsertion sociale
Depuis 2002, face à l’ampleur des difficultés auxquelles les provinces de l’Est du pays sont confrontées, la plate-forme Synergie des femmes pour les victimes des violences sexuelles a rassemblé 35 organisations à majorité féminines qui interviennent dans les zones en conflits dans les domaines du psychosocial, du judiciaire, du médical et de la réinsertion sociale. « Les victimes peuvent être confrontées au rejet de leur communauté, il a donc fallu que des personnes soient formées pour assurer des missions de sensibilisation au niveau des territoires, et cela a permis aux victimes d’être reçues dans des maisons d’écoute en toute confidentialité par nos organisations qui œuvrent dans le domaine psychosocial. Ensuite nous orientons les victimes vers une prise en charge à l’hôpital pour traiter les infections sexuellement transmissibles », détaille Germaine Cirhigiri, assistante psychosociale de la plate-forme.
Alerter les autorités et apporter une réponse humanitaire
À travers leurs actions, ces associations relaient les situations que vivent ces femmes, tant auprès des organisations humanitaires en RDC que des autorités étatiques, mais aussi au niveau international, allant même, pour l’association Afia Mama, jusqu’à briefer le Conseil de sécurité des Nations unies en septembre dernier. L’O.N.G. CARE a de son côté ciblé un besoin, celui de mettre en place des mécanismes de protection, notamment contre les violences de genre. « Tant qu’il y a des conflits et la présence de différents groupes armés, les gens continueront à être exposés, et tant que les auteurs de ces actes ne sont pas punis de façon adéquate, nous allons continuer à enregistrer des cas de violences », observe Sidibe Kadidia Cisse, porte-parole de CARE en RDC.
« Nous avons besoin de paix dans nos provinces pour que l’on puisse vivre, clame Germaine Cirhigiri. On parle de cessez-le-feu et de négociations, mais on ne sait pas comment tout cela va évoluer », s’alarme-t-elle. D’autant que, dans son rapport, l’O.N.G. CARE constate chez les acteurs locaux des capacités financières et logistiques limitées et des difficultés à se déployer sur le terrain, notamment dans les zones où l’accès humanitaire est déjà difficile. « Ceci rend la réponse particulièrement fragmentée », note l’O.N.G. qui réclame une aide pour le renforcement des capacités de ces organisations locales.
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