Pape François en Afrique

Des femmes déplacées par le conflit du Nord-Kivu à un point de distribution de nourriture à Goma. Crédit: Daniel Michombero
Un immense espoir pour la population
Pendant quatre jours, le pape François s’est rendu en République démocratique du Congo, avant de rejoindre le Soudan du Sud. Ce fut l’occasion pour lui de rencontrer la population congolaise et d’apaiser les tensions à l’est du pays, 37 ans après la dernière visite du pape Jean-Paul II.
« Ma joie est si grande que je crois que j’ai envie de pleurer. » Ce sont les mots d’une Congolaise venue assister à la messe du pape François en ce matin du 1er février. À l’aéroport de Kinshasa-Ndolo, plus d’un million de personnes ont dansé, chanté et laissé éclater leur joie. Certains ont même campé toute la nuit pour être sûrs d’apercevoir le souverain pontife, signe d’une immense attente pour saluer ce pape en visite en République démocratique du Congo. On y compte 45 millions de catholiques, ce qui en fait la plus grande communauté catholique en Afrique subsaharienne, majoritaire dans le pays.
Message de paix pour le Nord-Kivu
Le pape a prononcé des messages de paix et d’espoir dans ce territoire meurtri par des attaques dans la province du Nord-Kivu. Ce sont des scènes d’horreur qui ont été d’ailleurs racontées à François le jeudi 2 février durant sa rencontre avec des enfants et des femmes témoins de ces violences. L’une des victimes, un homme originaire de Goma, a déclaré avec émotion : « J’ai vu la sauvagerie. Des gens découpés comme on découpe de la viande à la boucherie. J’ai vu des femmes éventrées, des hommes découpés ». Face à ces cruautés, le Saint-Père a lancé un « vibrant appel » devant les « cruelles atrocités » perpétrées dans l’est du pays : « Face à la violence inhumaine que vous avez vue de vos yeux et éprouvée dans votre chair, on reste sous le choc. Et il n’y a pas de mots, il faut seulement pleurer, en restant silencieux. » Un soulagement pour la population, qui attendait de cette visite religieuse une reconnaissance de ce conflit jusqu’ici oublié. Le pape a également évoqué un « colonialisme économique » en Afrique et en RDC. « Une référence aux ingérences de l’exploitation des ressources de richesses du pays congolais », précise Cédric Mayrargue, chercheur au laboratoire Les Afriques dans le monde (LAM), qui ajoute : « de grandes multinationales étrangères se partagent les richesses minières de la RDC au détriment des populations locales ».
« Nous refusons la corruption »
Lors de sa visite religieuse, le Saint-Père s’est entretenu au stade des Martyrs avec les jeunes Congolais dans une ambiance festive, remplie d’émotion et de joie. Quelques mois avant les élections présidentielles qui se dérouleront en République démocratique du Congo, le pape a évoqué la corruption, qu’il a fermement condamnée. Un message convaincant pour la population qui attend du scrutin prévu le 20 décembre prochain une transparence totale. Devant le pape, les jeunes ont lancé ce chant improvisé, « nous refusons la corruption ». La visite de François dans le pays s’est terminée par un dernier discours au siège de la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco), édifice jouxtant la nonciature de Kinshasa, où il a exprimé sa joie d’avoir passé ces quelques jours dans ce territoire africain.
L’Église, un rôle majeur
L’Église a toujours joué un rôle majeur en République démocratique du Congo, où elle dispose d’un vaste patrimoine foncier et immobilier et d’un réseau d’entreprises, d’écoles, d’universités et d’hôpitaux. Elle a souvent joué également la médiatrice dans les crises politiques congolaises, un rôle à double tranchant qui a déjà divisé le clergé local. Dans le contexte de l’élection présidentielle de décembre 2023, le président Félix Tshisekedi s’est montré visiblement satisfait du succès de la visite du pape, qui renforce son image. L’impossibilité pour le souverain pontife de se rendre à Goma, la capitale du Nord-Kivu, assombrit cependant le tableau. Au moment même de la visite papale, la situation dans cette région de l’est du Congo continuait de se dégrader. La capitale provinciale est maintenant isolée par l’avancée des rebelles du M23 et par une pénurie alimentaire croissante, avec pour conséquence des projets d’exode de la population loin d’une guerre en pleine expansion.
Appel à la paix au Soudan du Sud
Comme en RDC, la visite de trois jours du pape François au Soudan du Sud s’est concentrée sur la corruption, la violence endémique et le sort des déplacés. Le plus jeune État du continent, devenu indépendant en 2011 et majoritairement chrétien, a fait face de 2013 à 2018 à une guerre civile meurtrière. Plus de 380 000 morts et 2,2 millions de déplacés internes sont l’héritage de ce conflit entre deux leaders ennemis. Un accord de paix de 2018 n’a pas pu enrayer les violences dont les femmes sont des cibles routinières. « Malheureusement, dans ce pays martyrisé, être déplacé ou réfugié est devenu une expérience habituelle et collective », a déclaré le pape. « Je renouvelle de toutes mes forces l’appel le plus pressant à reprendre sérieusement le processus de paix, afin que les violences prennent fin et que les gens puissent retrouver une vie digne », a-t-il ajouté. Alors que dans les zones reculées l’Église catholique assume de nombreuses missions, le pape a rappelé les leaders gouvernementaux à leurs responsabilités : « les générations futures honoreront ou effaceront la mémoire de vos noms en fonction de ce que vous faites maintenant ». En 2019, le pape avait accueilli au Vatican les leaders rivaux Salva Kiir et Riek Machar et leur avait demandé à cette occasion de respecter le cessez-le-feu. Presque quatre ans après, alors que la violence continue de ravager sporadiquement la jeune nation, les deux leaders étaient tous les deux présents aux côtés de 70 000 personnes pour écouter le souverain pontife.
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