RDC et Soudan du Sud, le voyage symbolique du pape François

Rome
En se rendant à la fin du mois de janvier dans deux pays en guerre, le pape François souhaite jouer un rôle de médiateur pour susciter l’espoir d’une réconciliation, comme il l’a déjà fait en République centrafricaine en 2015. Rompu à l’exercice de la diplomatie malgré une réputation d’homme au franc-parler qui peut quelquefois surprendre ses interlocuteurs, l’ex-archevêque de Buenos Aires va savoir choisir ses mots pour tenter de composer avec toutes les parties.
En juin dernier, le pape François avait annoncé que son voyage en République démocratique du Congo (RDC) et au Soudan du Sud, initialement prévu l’été dernier, devait être repoussé pour des raisons de santé. À l’époque, les douleurs au genou dont souffre le souverain pontife depuis plusieurs mois ne lui permettaient pas d’affronter un voyage d’une grande portée religieuse et surtout, politique. Mais repousser ne veut pas dire annuler, avait immédiatement rassuré Matteo Bruni, directeur de la salle de presse du Saint-Siège. Depuis, six mois sont passés et l’ex-archevêque de Buenos Aires se rendra à Kinshasa du 31 janvier au 3 février prochain. Dans la foulée, le pape François sera à Juba du 3 au 5 février. Toutefois, contrairement à ce qui était prévu au départ, l’étape à Goma, dans l’est de la RDC, a été annulée, a confié le pape dans le cadre d’un entretien accordé à la revue espagnole des missionnaires comboniens « Mundo Negro » le 13 janvier. « Je ne vais pas à Goma, on ne peut pas y aller, à cause des développements de la guérilla. Ce n’est pas parce que j’ai peur, il ne m’arrivera rien, mais avec une telle atmosphère et en voyant ce qu’ils font, ils pourraient lancer une bombe dans le stade et tuer beaucoup de gens. Nous devons prendre soin des gens », a affirmé François.
Un voyage d’une importance symbolique
Selon le vaticaniste Marco Ansaldo, ce voyage apostolique revêt une importance extrêmement symbolique pour François, qui souhaite d’abord compenser son absence en juillet dernier. Et surtout, jouer un rôle de médiateur comme il l’a déjà fait en Ouganda et plus notamment, en République centrafricaine. C’était en 2015 et Marco Ansaldo se souvient encore du climat de peur durant le voyage. « Tout le monde avait peur d’arriver dans un pays meurtri par les crises politiques et les violences perpétrées par les bandes armées. Et puis, on avait aussi peur pour le pape et sa sécurité. Au final, tout s’est bien passé, notamment sur le plan politique, car François a su laisser entrevoir un espoir de réconciliation en s’adressant à toutes les communautés religieuses », affirme ce vaticaniste. Et même si les facettes de la guerre dans les deux pays que le pape s’apprête à visiter sont différentes, selon Marco Ansaldo, l’objectif du chef de la chrétienté qui se rend en Afrique pour la cinquième fois est d’obtenir un résultat identique. « François est rompu à l’exercice de la diplomatie et va savoir choisir les mots justes, contrairement à Benoit XVI qui avait provoqué une véritable catastrophe sur le plan diplomatique en 2009, en déclarant que l’utilisation du préservatif aggravait le problème du sida alors qu’il se rendait au Cameroun », confie Marco Ansaldo.
La visite au Soudan du Sud, une première
Le déplacement de Jorge Mario Bergoglio au Soudan du Sud est la première visite d’un pape dans ce pays déclaré indépendant en 2011. Et comme le voyage en RDC, l’arrivée du souverain pontife génère de nombreuses attentes des deux côtés. D’abord, sur le terrain où l’église locale œuvre pour la réconciliation au même titre que la communauté de Sant’Egidio, une association de laïcs de l’Église catholique, très présente. Puis au Vatican, directement impliqué dans les négociations. D’ailleurs, à la veille de la pandémie de coronavirus, François avait invité le président Salva Kiir et aussi Riek Machar, à l’époque leader de l’opposition et aujourd’hui exclu du Mouvement populaire de libération du Soudan mais vice-président du pays. Durant cette rencontre au Vatican, le pape s’était agenouillé devant les deux hommes et leur avait embrassé les pieds en les implorant de faire la paix. Une image particulièrement humble que le Vatican avait expliquée à l’époque comme le symbole du « climat de pardon réciproque de leur réunion au Vatican ». Pour Marco Ansaldo, au Soudan du Sud comme en RDC, « le discours du pape sera particulièrement dur envers ceux qui tirent et massacrent la population, ceux qui vendent des armes et surtout, ceux qui les fabriquent, car on connaît son aversion pour la guerre et l’armement ». Mais là encore, ajoute ce vaticaniste, il va devoir trouver prononcer un discours équilibré, pour « éviter de déplaire à ceux qui l’ont invité et dans un même temps, choisir ses termes qui devront passer de tous les côtés ». Un exercice sacrément compliqué pour éviter la rupture et consolider son rôle de médiateur.
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