Afrique de l’Ouest : des réseaux de jeunes femmes luttent contre les inégalités
La présidente du ROAJELF Bénin, Mariette Montcho (à droite), anime une conférence sur le pouvoir économique de la femme rurale lors du Festival international des films de femmes (FIFF) de Cotonou, en février 2022.
Le développement des plates-formes numériques et des réseaux sociaux permet aux jeunes féministes d’Afrique de l’Ouest de collaborer au sein de différents collectifs. Ensemble, elles mènent des actions ciblées pour faire avancer les droits des femmes.
À Bambey, au Sénégal, l’antenne régionale du Réseau ouest-africain des jeunes femmes leaders (ROAJELF) est en effervescence. Deux militantes féministes viennent de recevoir l’affiche illustrant leur dernière action et la placardent au mur. Le titre donne clairement le ton : « Survivantes en sororité contre les violences basées sur le genre ». La juriste et présidente du ROAJELF Sénégal, Zipporah Ndione, précise : « Notre action s’établit dans la région de Diourbel, particulièrement touchée par les violences faites aux femmes. L’idée est d’inclure la communauté pour déjouer ces violences. Nous formons alors des jeunes femmes chargées de lancer l’alerte et nous organisons des activités de sensibilisation. »
Membre du ROAJELF depuis 2012, Zipporah Ndione a commencé à militer au lycée, lorsqu’elle a remarqué les différences de traitement entre ses camarades selon leur genre. Comme elle, beaucoup de militantes féministes ont intégré des réseaux communs à toute l’Afrique de l’Ouest. Leur objectif : lutter ensemble contre les inégalités entre hommes et femmes. Exemple influent dans la région, le ROAJELF a été créé en 2009 par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) afin de promouvoir le leadership féminin.
Grâce aux plates-formes comme Zoom et WhatsApp, les militantes communiquent et partagent les expériences qui ont fonctionné dans leur pays. Dieynaba Ndiom, sociologue mauritanienne et membre du Réseau des jeunes féministes d’Afrique de l’Ouest (RJFAO) indique : « Travailler ensemble nous fait prendre conscience des disparités qui existent dans la région. En Mauritanie, par exemple, nous sommes encore en train de lutter pour créer une loi qui protège les femmes des violences, alors qu’au Sénégal ces lois existent déjà. Nous voyons ainsi sur quels points avancer. » Avec son collectif, elle organise des plaidoyers auprès des législateurs et tente de sensibiliser la population aux inégalités grâce à des podcasts.
Lutter en sororité
L’autre objectif de ces réseaux est de porter la voix des femmes dans les plus hautes sphères du pouvoir. Créé en 2018, le RJFAO est parti du constat que les féministes francophones d’Afrique de l’Ouest n’étaient pas assez écoutées. Depuis, les militantes ont pu exposer leurs préoccupations lors de plusieurs événements internationaux, comme au Forum Génération Égalité à Paris en 2021.
En organisant collectivement des projets, les militantes féministes espèrent également avoir plus d’impact. Mariette Montcho, chercheuse et présidente du ROAJELF Bénin, explique : « La force d’un réseau réside dans les associations possibles entre ses membres. Ces prochaines années, j’aimerais insister sur les projets communs entre les pays. Cela donnera encore plus d’envergure et de visibilité à nos actions. » Avec un agenda électoral chargé en 2023 (élections législatives au Bénin, Togo et Mauritanie, municipales en Côte d’Ivoire…), les militantes du ROAJELF prévoient déjà des actions coordonnées pour renforcer la participation politique des jeunes femmes. « Je considère que nous aurons gagné quand nous aurons assez de femmes au gouvernement pour nous représenter », ajoute Mariette Montcho.
Mais, en allant à l’encontre de systèmes très ancrés, les militantes féministes deviennent la cible de campagnes de harcèlement sur les réseaux sociaux. Selon Dieynaba Ndiom, le burn out est courant chez les militantes : « Beaucoup de femmes nous contactent pour parler des violences et abus sexuels dont elles sont victimes. En parallèle, nous nous démenons face à un système qui n’avance pas. Ce sont des charges mentales difficiles à porter. » Même constat pour Zipporah Ndione qui essaie de faire appel à des psychologues pour accompagner les membres du ROAJELF Sénégal : « La santé mentale nous préoccupe de plus en plus », assure-t-elle. Avec son nouveau réseau de féministes sénégalaises, elles ont décidé de consacrer une commission à cette thématique, pour mieux se préserver. Face au harcèlement et aux pressions, les collectifs deviennent des lieux de soutien et de sororité. « Sur nos groupes WhatsApp, nous essayons de créer des espaces safe de discussion. En parallèle, nous soutenons les victimes de harcèlement et créons des hashtags », détaille Zipporah Ndione. Et la féministe mauritanienne Dieynaba Ndiom de confirmer : « Je pense que la sororité entre militantes est très importante. La meilleure manière de se soutenir est de répondre publiquement lorsque l’une de nous se fait attaquer, quitte à subir des représailles. Nous sommes peu de militantes, il faut se serrer les coudes. »
Légendes photos :
Première photo de gauche à droite : Avec le ROAJELF Sénégal, Zipporah Ndione lance une action contre les violences faites aux femmes dans la région de Diourbel.
Photo du milieu : En Mauritanie, Dieynaba Ndiom et son collectif créent des podcasts pour sensibiliser la population aux inégalités hommes-femmes.
Dernière photo de gauche à droite : La présidente du ROAJELF Bénin, Mariette Montcho (à droite), anime une conférence sur le pouvoir économique de la femme rurale lors du Festival international des films de femmes (FIFF) de Cotonou, en février 2022.
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