L’Afrique réinvente le tourisme solidaire
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Déborah Weill
Le tourisme est une source incontestable de pollution et de dégradation de l’environnement. Voyager tout en profitant véritablement au développement des communautés et à la préservations des milieux est possible, si l’on adopte une attitude responsable vis à vis de ses choix de consommations. L’agence Casamance au Présent, nous en dit plus à ce propos.
Selon une étude publiée dans la revue scientifique Nature Climate Change, le tourisme serait responsable de 8 % des émissions de gaz à effet de serre dans le monde. Un pourcentage qui nous oblige à questionner nos envies de voyages et à remettre en question les intentions qui les motivent.
Ces dernières années, le secteur touristique africain a connu l’essor d’une nouvelle branche : celui du tourisme « solidaire ». Cette appellation semble qualifier un tourisme bienveillant, effectué dans l’intérêt commun du touriste et des communautés visitées. Pourtant, on se rend compte aujourd’hui que cette terminologie est à l’origine de l’apparition d’un secteur marchand et peu éthique : celui du volontourisme.
Défini par Alizée Delpierre, dans « Quand l’humanitaire est payant », le volontourisme est une forme de voyage, proposée par des entreprises qui, en échange d’une somme d’argent, organisent des semaines de volontariat dans un milieu défavorisé. Le touriste, qui a souvent peu de compétences et de temps à offrir, se retrouve plongé au cœur de missions parfois inutiles et inadaptées aux besoins réels des populations.
Pour pallier ce phénomène, l’agence de voyage Casamance au Présent a ouvert ses portes en 2014 au Sénégal. À la différence des autres agences, Casamance au Présent s’engage à proposer des circuits responsables, adaptés aux envies du voyageur, pour lui faire découvrir des endroits loin des sentiers du tourisme de masse. Un tourisme solidaire qui n’implique pas de réelles actions de la part du touriste, mais qui s’assure que les populations visitées profitent de cet échange.
Mbaye Thiaw, employé chez Casamance au Présent, et Marine Fourié, Directrice exécutive et co-fondatrice de Futur au Présent, nous expliquent les intentions de leur projet. «L’idée est de proposer des voyages à la hauteur du potentiel touristique de la région. Nous emmenons nos touristes vers des communautés villageoises où ils n’auraient définitivement pas pu se rendre tout seuls. On amène des gens à la rencontre d’agriculteurs, d’artisans, de commerçants, on ne peut plus traditionnels et authentiques».
Un tourisme responsable
Pour ce qui est de la préservation de l’environnement, la directrice de l’agence nous confie que leur philosophie est avant tout de s’éloigner du tourisme de masse. « On pense à la biodiversité, très fragile au niveau des zones côtières. On évite d’exploiter les ressources les plus polluantes, notamment par le biais des déplacements, qui ne se font jamais en voiture sur de longues distances. Nous proposons des séjours longs, l’idée est de ne pas prendre un avion, que l’on sait polluant, pour rester une semaine. On fait très attention à la gestion des déchets et on s’interdit toute consommation de plastique. Notre agence propose la découverte du campement écologique d’Alouga, dans l’île de Niomoune ».
Casamance au Présent a un triple impact sur le Sénégal : l’agence contribue à l’emploi local, elle injecte de l’argent dans l’économie et soutient l’association Futur au Présent.
Car la vraie particularité de l’agence est de reverser la totalité de ses bénéfices à une association locale.
La directrice de Casamance au Présent explique en effet que l’argent récolté par l’agence sert à soutenir des projets sociaux, comme la « maison d’éducation », un centre d’accueil pour jeunes filles non scolarisées. Grâce aux bénéfices de l’agence, cette maison d’éducation a pu rester ouverte lorsque les financements de l’Union européenne se sont achevés en juin 2018. Pendant près de 6 mois, ce centre a été soutenu uniquement par l’agence avant de trouver un nouveau financement.
Le message de l’agence est clair : quand on voyage aujourd’hui, on a un impact ! Autrement dit, il est très important de penser à cet impact, car on peut faire de très beaux voyages tout en étant responsable et solidaire. Il faut se demander avant de partir : « Que peut-on apporter à la communauté que l’on visite ? »
Pour voyager éthique et responsable, il faut donc préférer, selon ces pionniers africains du tourisme solidaire, un mode de voyage qui contribue directement et sans conteste au bien-être des communautés. Sans forcément s’impliquer directement et physiquement, sur le modèle du volontourisme dont les retombées réelles sur les communautés ne sont pas avérées et qui profite surtout le plus souvent aux agences qui en font la promotion.
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