Afrique et réchauffement climatique : quels impacts ?
Alice Blanchard et Laurence Soustras
L’Afrique est en proie au réchauffement climatique. Quels sont les impacts présents et à venir sur le continent ?
Montée des températures, sécheresse, épisodes cycloniques : l’instabilité climatique s’est accélérée depuis quelques années en Afrique, entraînant des conséquences négatives pour la production agricole qui emploie 60 % de la population active. Pénuries alimentaires et déplacements des populations les plus pauvres sont pointés comme les effets les plus dramatiques de la dégradation des conditions climatiques du continent.
Paradoxalement, l’Afrique est la région du monde qui contribue le moins (de 3,8 à 4 %) à l’émission de gaz à effet de serre. Mais, selon Tanguy Gahouma-Bekale, président du Groupe des Négociateurs Africains en matière de Changement Climatique, elle en subit les plus drastiques conséquences : « par exemple, en plus des effets de la crise climatique comme l’insécurité alimentaire, les déplacements de population et les pénuries d’eau, plus de la moitié des pays africains risque d’expérimenter des conflits liés au climat. »
L’exacerbation des conflits entre pasteurs et agriculteurs dans plusieurs régions du continent illustre bien cette inquiétude.
Agenda africain
L’engagement africain en faveur de la lutte contre le changement climatique ne fait cependant aucun doute. L’Agenda 2063 de l’Union africaine, un ensemble d’initiatives adopté en 2015, reconnaît le climat comme un défi majeur pour le développement du continent.
Plus de 90 % des états africains ont ratifié l’Accord de Paris et, depuis 2015, 52 pays ont soumis leurs contributions déterminées au niveau national, parmi lesquelles l’énergie propre et l’agriculture constituent des priorités centrales.
La Commission économique pour l’Afrique des Nations Unies (UNECA) considère également comme prioritaires les secteurs de la ressource en eau, de l’agriculture, de l’énergie et de la préservation des écosystèmes.
Mais, si de nombreux pays africains sont aujourd’hui engagés dans un modèle de croissance résilient face au changement climatique, le continent fait face à un important dilemme de financement.
Le Fond Vert, un outil décisif
En juin dernier, les pays du G7 ont renouvelé leur engagement de 2009 d’une contribution annuelle de 100 milliards de dollars d’ici 2020 pour aider les nations les moins développées à réduire les émissions de gaz à effets de serre. L’objectif de 2009 n’avait pu être atteint, en raison notamment de la pandémie de COVID-19. Seulement deux pays, le Canada et l’Allemagne, se sont engagés cette année à augmenter considérablement leurs contributions.
Le Fond Vert est le mécanisme établi par la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, dont la mission est de collecter et de redistribuer cette manne financière pour assister les pays les moins développés dans leurs stratégies d’adaptation et d’allègement face au changement climatique. Il a ainsi approuvé en octobre 13 nouveaux projets, soit une dotation d’1,2 milliard de dollars. Plusieurs de ces programmes concernent l’Afrique. Par exemple, une dotation de 35,5 millions de dollars pour le développement hydro-agricole au Niger, ou 100 millions de dollars pour le déploiement d’une technologie d’adaptation de l’agriculture au climat en Tanzanie.
Quels sont les impacts actuels et futurs du changement climatique en Afrique ?
Augmentation des températures
Selon le rapport sur l’état du climat en Afrique 2019 de l’Organisation météorologique mondiale, l’année 2019 a été une des plus chaudes jamais enregistrées sur le continent. De façon générale, l’Afrique devrait connaître une augmentation des températures de 2°C, occasionnant vagues de chaleur et canicules.
Les dernières prévisions décennales rapportent un réchauffement continu et une diminution des précipitations, notamment en Afrique du Nord et en Afrique australe.
En revanche, le Sahel connaît une augmentation des précipitations.
Augmentation du niveau de la mer
L’évolution du niveau de la mer en Afrique diffère selon les régions :
- 5 mm par an dans plusieurs zones océaniques entourant le continent ;
- + de 5 mm par an dans le sud-ouest de l’océan Indien, à Madagascar et sur l’île Maurice.
Par comparaison, l’élévation moyenne du niveau de la mer dans le monde est de 3 à 4 mm par an.
Impacts sur la sécurité alimentaire
En Afrique subsaharienne, la sécheresse a provoqué depuis 2012 une augmentation de 45,6 % du nombre de personnes sous-alimentées, selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).
Les projections du GIEC prévoient des scénarios aux effets dévastateurs sur la production agricole et la sécurité alimentaire. Le scénario le plus pessimiste prévoit ainsi une réduction du rendement moyen de 10 % en Afrique. Par conséquent, il est plus que probable que des déplacements de populations importants soient constatés dans les années à venir.
Le millet et le sorgho s’avèrent être les cultures les plus résistantes. À l’inverse, le riz et le blé devraient être les cultures les plus touchées.
Incidences sur la santé
L’augmentation des températures et la modification des précipitations auront également des répercussions importantes sur la santé humaine en Afrique.
En effet, les insectes piqueurs, notamment les moustiques, prolifèrent dans de telles conditions. Les zones de transmission de maladies telles que le paludisme, la dengue et la fièvre jaune vont donc s’étendre.
Impacts économiques
Selon le Fonds monétaire international (FMI), les conséquences les plus néfastes seront constatées dans les régions au climat chaud, dans lesquelles se trouve un grand nombre de pays aux économies fragilisées.
Le Centre africain pour la politique climatique en matière de climat prévoit que les pays africains subiront une baisse du PIB globale de 2,25 à 12,12 % d’ici à 2050. Les régions les plus touchées seraient l’Afrique de l’Ouest, l’Afrique centrale et l’Afrique de l’Est.
Événements climatiques extrêmes
Rien qu’en 2019, l’Afrique a connu 4 types d’événements climatiques extrêmes :
- Le cyclone tropical Idai, un des cyclones tropicaux les plus destructeurs jamais enregistrés dans l’hémisphère sud ;
- Une sécheresse importante en Afrique australe ;
- Des inondations et des glissements de terrain dans la grande Corne de l’Afrique
- Des inondations dans le Sahel et les régions environnantes.
Des solutions pour combattre le réchauffement climatique et ses effets
De nombreuses nations africaines se sont engagées à passer aux énergies vertes dans les plus brefs délais, et les initiatives menées par les startups africaines pour des solutions innovantes se multiplient sur le continent.
L’Afrique pourrait d’ailleurs occuper prochainement le siège de leader du mouvement pour combattre le réchauffement climatique : CODATU, l’Association CLIMATE CHANCE et le CETUD organisent la Semaine de la Mobilité Durable et du Climat à Dakar, en septembre 2022. Cette rencontre internationale a pour objectif de favoriser un développement des territoires compatible avec les objectifs de l’Accord de Paris. Et bien sûr, ce sera au tour de l’Afrique d’accueillir, après la COP 26 en novembre 2021 à Glasgow, la COP 27 suivante. Elle se déroulera en novembre 2022 en Égypte.
Sources :
https://www.encyclopedie-energie.org/transitions-energetiques-afrique-subsaharienne/
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