Les lents progrès du G20 sur la résolution de la dette

La Chine demande que les institutions de Bretton Woods soient mises à contribution dans la restructuration des dettes. Crédit : Laurence Soustras.
Après le moratoire de la période COVID-19, l’heure est aux comptes. Annulation partielle ou restructuration de la dette, l’opération s’annonce douloureuse, y compris en Afrique.
« Annulation complète de la dette africaine » : dans son discours d’investiture, Azali Assoumani, le nouveau président en exercice de l’Union africaine, a sans aucun doute exprimé une attente réelle du continent. Mais aussi un espoir semé d’embûches. La démonstration en a été faite fin février avec la réunion des pays du G20 en Inde qui s’est achevée sans accord sur un communiqué commun et avec des progrès a minima sur le dossier de la dette. Pourtant, il comporte un risque croissant d’instabilité de l’architecture financière internationale qu’il devient très difficile d’ignorer.
Dette suspendue et mécanismes de restructuration
En 2020, les vingt plus importantes économies du monde (le G20) s’étaient ralliées autour d’une Initiative de suspension du service de la dette (Debt Service Suspension Initiative, ou DSSI) pour soutenir les pays les plus pauvres. Au total, 12,9 milliards de dollars de paiements suspendus par 73 pays éligibles entre mai 2020 et décembre 2021 : un vrai soutien, mais pas une solution à long terme. En décembre dernier, David Malpass, président de la Banque mondiale, a estimé à 62 milliards de dollars le seul service de la dette annuelle à des créanciers bilatéraux. Pourtant, un mécanisme international de restructuration, le Cadre commun pour le traitement de la dette (Common Framework for Debt Treatment, ou CF), lancé par le G20 pour répondre à la montée des tensions et établir une équité de traitement entre créanciers publics et privés, n’a pas résolu grand-chose : au total 70 pays sont éligibles à des mesures d’allègement de la dette, mais seulement quatre d’entre eux, tous africains, ont jusque-là fait appel au mécanisme. Le succès d’une première restructuration de dette, celle du Tchad, a été rapidement éclipsé par la complexité du défaut de la dette de 12,8 milliards de dollars de la Zambie. L’Éthiopie poursuit des négociations, de même que le Ghana qui a rejoint le dispositif avec beaucoup de réticences après s’être retrouvé isolé des marchés financiers internationaux.
La Chine, éléphant de la dette
Si le CF a le mérite de mettre autour de la table les créanciers bilatéraux du Club de Paris et les nouveaux venus tels la Chine ou l’Arabie Saoudite, il multiplie les retards de traitement des dossiers. En cause, des vues divergentes sur le traitement de la résolution des dettes. La Chine est en faveur d’extensions de maturité, ou de moratoire, plutôt que d’annulation, et réclame un partage du fardeau avec le FMI et la Banque mondiale. « Notre position constante est que les institutions financières multilatérales et les créanciers commerciaux, qui détiennent la majeure partie de la dette des pays en développement, devraient participer aux efforts d’allègement de la dette », a indiqué le porte-parole du gouvernement chinois, M. Wang Wenbin. Il y des raisons à cette position : la Chine est devenue le plus important créancier bilatéral du monde, auquel est due 40 % de la dette des pays les plus pauvres. Rien qu’en Afrique, où la dette extérieure publique a été multipliée par cinq entre 2000 et 2020 pour atteindre 696 milliards de dollars, les prêts chinois comptent pour 12 %. Beaucoup a été écrit sur la tendance chinoise à créer les conditions d’un piège à dette pour les pays fragiles. Pourtant, ce n’est pas un trait que le professeur Alex Vines, coauteur d’une étude de Chatham House sur les prêts chinois à l’Afrique (https://www.chathamhouse.org/2022/12/response-debt-distress-africa-and-role-china) a pu confirmer dans ses recherches : « c’est beaucoup plus désorganisé qu’un grand nombre d’entre nous le pensait. Un problème général chinois est que les institutions financières sont en concurrence et tentent chacune séparément d’interpréter les objectifs du Président Xi Jinping et du parti communiste. Cela aboutit à un résultat très désordonné, tel le cafouillage du défaut zambien ».
Table ronde
Dans ce tableau, il n’est pas totalement clair si le gouvernement de Pékin a une vue d’ensemble des emprunts que ses institutions financières ont consentis. Comme l’a souligné une étude de 2019 du Global Development Center consacrée aux Routes de la soie, il n’existe pas de données agrégées disponibles de la totalité des prêts chinois, hormis ceux de deux institutions China Exim Bank et China Development Bank. « Notre recommandation clé, c’est la transparence et l’ouverture pour fournir les informations. Et un bon nombre de gouvernements africains ont demandé la même chose, spécialement quand il y a une alternance politique », souligne Alex Vines. Alors que des annulations de dette apparaissent inévitables et que plusieurs pays africains, dont Djibouti, sont en grande difficulté pour rembourser leurs prêts, la question des décotes et de l’équité du processus entre prêteurs devient primordiale. La directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva, a écarté l’idée d’une décote pour les institutions internationales, soulignant avoir perçu« une position plus constructive de la Chine qui souhaite voir les banques multilatérales de développement contribuer à des prêts très concessionnels et des dons, ce qui est possible, alors que ces institutions ne peuvent pas supporter de décote qui nuirait à leur AAA et à leur capacité de lever des fonds pour ensuite les transférer avec de faibles taux d’intérêt ». Elle a annoncé son intention de rassembler tous les créanciers, y compris ceux du secteur privé, autour d’un cadre de table ronde pour justement travailler sur la transparence et le calendrier des traitements de la dette. Prochain rendez-vous : avril, lors des réunions du printemps de la Banque mondiale et du FMI.
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