Vatican : l’Américain Robert Prevost devient le pape Léon XIV

Vatican : l’Américain Robert Prevost devient le pape Léon XIV

Michèle Thomson (à droite) avec sa famille à Rome. Crédit photo: Ariel Dumont

Rédigé par Ariel Dumont

Modifié le 10 mai 2025

Après l’élection de Robert Francis Prevost devenu le pape Léon XIV, retour sur les pronostics portant sur les candidats africains au pontificat, quelques jours avant le conclave. 

« Un pape africain ? Oui, car le moment est venu de donner la possibilité aux Africains de guider le monde et l’Église ».  Depuis plusieurs heures, Paul et Amélie, un couple de Sénégalais âgés d’une trentaine d’années et installés à Rome depuis 5 ans, font la queue devant Saint‑Pierre de Rome pour dire adieu au pape François dont la dépouille est exposée dans la basilique. Tout en essayant de se protéger de la forte chaleur plutôt inhabituelle en cette période de l’année, les deux Africains repensent au parcours du défunt pape venu du bout du monde. « Son amour pour les immigrés, les plus démunis et les humbles était extraordinaire, il a changé le visage de l’Église, mais il a eu aussi un impact sur la population qui est devenue nettement moins raciste », confie Amélie. Moins raciste les Italiens ? Soit, mais pas selon les statistiques officielles. Paul écoute sa compagne en hochant la tête. Lui aussi espère qu’un candidat africain sera élu pour poursuivre les réformes mises en place par l’Argentin. Pourtant, rien n’est moins sûr, compte tenu du profil des cardinaux du continent africain qui souhaitent en secret accéder à la fonction suprême.  « Il y a dix ans, c’était encore possible, mais depuis, l’Église africaine a fait preuve d’un peu trop de désordre », note le vaticaniste Marco Politi, auteur de plusieurs essais sur le pape argentin, dont « François parmi les loups ».  

Trop conservateurs, mais avec des réseaux puissants

Dans ce contexte, la candidature du cardinal Robert Sarah qui cumule un triple handicap ‑ il est afro-américain, hyper conservateur et ses relations avec François étaient carrément houleuses, la vision de l’Église des deux hommes n’étant pas vraiment identique – devrait passer carrément aux oubliettes. Il dispose de réseaux puissants au sein de l’Église et on murmure qu’il aurait également le soutien de l’Opus Dei, l’ordre ultraconservateur de l’Église catholique. Préfet émérite de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements, ce cardinal a choqué la curie progressiste et favorable au dialogue interreligieux en faisant sienne la théorie du grand remplacement en 2016 dans les colonnes du Figaro en ces termes : « Décadent, sans enfants, sans familles, l’Occident disparaîtra, noyé et éliminé par une population d’origine islamique. L’Occident a renié ses racines chrétiennes ». Selon plusieurs vaticanistes, le Congolais Fridolin Ambongo, archevêque de Kinshasa, également trop conservateur et plus proche de la vision de Benoit XVI que de celle de François, aurait lui aussi peu de chances. Mais, comme le cardinal Sarah, il a le soutien de la sphère ultra conservatrice. 

Surtout ne pas tout casser

Place Saint‑Pierre, un couple de touristes originaires des Caraïbes, la sixième région d’Afrique selon l’Union africaine, se dit bouleversé par la mort du pape François, confie Michèle Thompson. Pour cette fervente catholique, François marchait avec son temps. « Il a su nous redonner l’espoir en ouvrant les portes de l’Église à la différence, il avait compris l’époque dans laquelle nous vivons. J’espère que les cardinaux choisiront quelqu’un qui saura s’insérer dans la voie tracée par le pape François et qui soit capable de guider l’Église sans casser tout ce que François a changé ». Ne pas tout casser, c’est justement à cela que réfléchirait l’armée mexicaine des cardinaux progressistes nommés par l’ancien archevêque de Buenos Aires. « L’orientation sociétale sera le critère qui guidera les grands électeurs pour choisir le successeur de François et remettre les affaires en ordre, car durant le règne de ce pape, disons que les choses ont été faites en vrac », analyse Marco Politi.

Une barre placée très haute 

Élevé au rang de cardinal par le pape François en 2016, Dieudonné Nzapalainga, l’archevêque de Bangui (République centrafricaine), fait aussi partie de ceux qui voudraient reprendre le flambeau de François. Décrit comme un homme d’une modestie franciscaine doté d’un esprit de consensus, mais conservateur, il a œuvré pour la cohabitation entre l’islam et le christianisme en Centrafrique. Le Ghanéen Peter Kodwo Appiah Turkson, archevêque de Cape Coast également conservateur, est lui aussi dans les starting‑blocks comme l’Ivoirien Ignace Bessi Dogbo, âgé de 63 ans. « La tâche du prochain pape sera compliquée, car François avait placé la barre très haute et pas seulement sur le plan social, il faudrait peut-être quelqu’un comme Benoit XVI, un homme que nous n’avons pas suffisamment compris », confie Silvana Sopha, originaire des Seychelles. 

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