Le manifeste de la diplomatie scientifique ouvre la voie à une nouvelle mobilité estudiantine
Échanges lors du Premier congrès des clubs leaders étudiants francophones au Caire. Crédits : Nicolas Margerand
La signature de l’engagement officiel par près de 40 ministres de l’Enseignement supérieur devrait accélérer une plus grande mobilité des étudiants entre pays du Sud, mais aussi dans l’axe Nord-Sud.
« Je voyais les yeux briller, je pense que cela parle à beaucoup » : en évoquant face à une quarantaine de ministres de l’Enseignement supérieur une plus grande mobilité estudiantine, y compris des pays de l’hémisphère Nord vers ceux du Sud, Slim Khalbous, recteur de l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF), n’a eu aucun mal à convaincre. Ces représentants étaient réunis au Caire à la fin du mois dernier pour leur conférence ministérielle annuelle et la deuxième édition de la Semaine de la diplomatie scientifique francophone. L’un des premiers objectifs en était la signature du Manifeste de la diplomatie scientifique, dont les grandes lignes avaient été dessinées à Bucarest il y a un an lors de la conférence ministérielle précédente. « Ce qu’on a fait dans ce manifeste, c’est qu’on a repris explicitement les priorités définies par les ministres de l’Enseignement supérieur dans l’espace francophone », souligne le recteur. Il s’agit maintenant de « revenir à ces priorités qui sont officielles, qui sont partagées, et de proposer des projets de coopération autour de ces projets et de ces sujets, définis par les gouvernements et auxquels les gouvernements adhèrent ». Il s’agit donc d’une sorte de voie prioritaire pour des évolutions novatrices qui seraient plus longues à mettre en œuvre sans cet accord. Exemple : cette mobilité estudiantine recherchée entre les pays de l’hémisphère Sud, mais aussi dans l’axe Nord-Sud, et plus seulement Sud-Nord. « Nous voulons un programme qui soit complémentaire à Erasmus. Aujourd’hui, le premier programme de mobilité au monde, c’est le programme européen, qui est excellent. Or nous, nous défendons l’idée que, même si ce n’est pas partout, il y a de l’excellence dans le Sud. Il y a des universités extraordinaires qui sont capables d’accueillir des étudiants du Nord, de proposer des années de césure, des semestres d’échanges ou des stages en entreprise à l’international, ce qui est d’ailleurs recherché par les universités du Nord », estime Slim Khalbous.
Sélection de 180 clubs étudiants
Échanges Nord-Sud et networking étaient bien les deux axes incontournables de ces journées du Caire, puisque l’Agence universitaire de la Francophone a pu y présenter une autre avancée : la création de Clubs Leaders Étudiants Francophones, les CLEFs. Une centaine d’étudiants leaders francophones en provenance d’une cinquantaine de pays étaient présents au Caire pour ce premier Congrès de la Jeunesse Estudiantine Francophone qui était placé sous le thème de l’entrepreneuriat. Parmi eux, Djalabi Mahamat Abakar, ingénieur tchadien en cybersécurité de vingt-cinq ans, actuellement en formation de sciences des données à l’université de Nyamey. « Quand je suis arrivé à l’université de Nyamey, j’ai vu qu’il n’y avait pas de compétitivité, pas d’activités dans cette université. Avec quelques collègues qui ont aussi eu la chance de fréquenter d’autres structures éducatives, nous avons décidé de créer un club qui se consacre en même temps au développement du numérique et à l’entrepreneuriat », se souvient-il. Ce cadre d’échange et de partage des savoirs entre étudiants compte déjà une trentaine de membres et débouche progressivement sur l’organisation de conférences, d’ateliers et des ébauches de partenariats avec des incubateurs locaux. « Et ce n’est pas seulement pour les étudiants, la culture du numérique, mais plutôt pour les étudiants et les enseignants, et enfin, c’est prôner le “grandir ensemble“, ramener tous les gens. On ne peut rien faire seul à un certain niveau », souligne Mahamat. C’est dire que son projet s’est parfaitement inséré dans l’appel à candidatures de l’AUF pour la constitution de ces clubs étudiants labellisés. Plus de 300 dossiers ont été déposés et 180 ont été sélectionnés. « À l’AUF, nous croyons que l’acquisition de compétences, d’activités immersives comme le travail en équipe, l’organisation d’événements, la gestion de projets, la levée de fonds, la communication, l’initiative, se fait également dans la vie associative », explique Driss Sayah, conseiller au cabinet du recteur en charge des partenariats et de l’innovation et cocoordinateur de ce premier Congrès de la Jeunesse Estudiantine Francophone.
Un budget de 150 000 €
L’AUF qui a déployé un budget de 150 000 € pour l’organisation de cette première édition consacrée aux clubs étudiants mise sur un à deux appels d’offres par an. La question de la pérennité de clubs très différents, allant de l’entrepreneuriat numérique à la littérature en passant par la défense de l’environnement, se pose cependant. L’AUF entend fournir aux étudiants des formations pour chercher auprès de mécènes et de sponsors des financements complémentaires à ceux qu’elle apportera. Une démarche nécessaire, d’autant que certains clubs envisagent une action à long terme qui n’est pas seulement entrepreneuriale. « Il faut qu’il y ait cette fibre militante pour des causes, pour une passion, et on veillera à ce que ça reste comme ça », souligne Driss Sayah. La doctorante en économie gabonaise Marina Eyang Mve, leader d’un club consacré à l’environnement, espère ainsi développer dans son pays une prise de conscience chez les jeunes des enjeux de gouvernance liés aux questions de changement climatique : « Il faut le dire, les jeunes d’aujourd’hui sont les futurs décideurs de demain. Alors, la sensibilisation, l’éducation doivent se faire dès le bas âge ». Rendez-vous est pris dans un an, lors de la troisième édition de la Semaine mondiale de la Francophonie scientifique à Québec, pour un premier aperçu des avancées concrètes des initiatives annoncées au Caire.
UN NOUVEAU RÉSEAU FRANCOPHONE D’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE
Le mois dernier, ce sont 25 universités de 15 pays différents qui ont participé au Caire à la création du premier réseau francophone d’intelligence artificielle (RéFIA). Les objectifs sont de fédérer les différents acteurs francophones et de veiller à l’accroissement de la diffusion des résultats scientifiques francophones en intelligence artificielle, tout en développant des programmes de recherche et de formation. « Il y a des centaines de colloques par an sur l’intelligence artificielle et on s’est dit entre nous : “qu’est-ce que la francophonie scientifique peut apporter de différent ? “ Et le choix a été fait sur l’impact sociologique, culturel, donc aussi linguistique, de l’intelligence artificielle. Par conséquent, ce ne sont pas tellement les questions techniques ou technologiques qui nous intéressent et qui sont très bien étudiées par d’autres. Mais c’est justement la dimension culturelle et sociologique, et c’est là où la question de la francophonie devient pertinente », souligne Slim Khalbous. Une réflexion très attendue sur le continent. Cette année, la République démocratique du Congo s’est dotée d’un Centre africain de recherche en intelligence artificielle (CARIA), fruit de la coopération entre le gouvernement congolais et la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA).
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