Mali : 3 ans après le coup d’État, entre fierté et défis économiques persistants
Trois ans après le coup d’État au Mali, la population de Bamako semble osciller entre un sentiment de fierté après le départ de la mission française Barkhane, perçue comme une atteinte à la souveraineté du pays, et une grande inquiétude face à des menaces sécuritaires persistantes et une crise financière d’ampleur.
Bamako, la capitale malienne, est un bon baromètre du sentiment malien. Malgré des soucis sécuritaires subsistants tels que la présence de groupes terroristes dans certains villages, la population malienne éprouve une certaine fierté envers les nouvelles autorités qu’elle crédite d’avoir chassé la mission Barkhane (1). Rencontré dans les rues animées de Bamako, Moussa Coulibaly, conducteur de taxi moto exprime cette perception avec un sourire radieux : « Même si nous sommes sous embargo de la CEDEAO, nous ressentons une fierté immense, car c’est notre armée qui mène la bataille contre les djihadistes.»
Mais dix mois après le départ de la mission Barkhane, des inquiétudes persistent, notamment dans certains quartiers de Bamako. Les renforts militaires veillent toujours à la sécurité des hôtels, de l’aéroport et d’autres zones fréquentées. Sur le plan économique, les difficultés se manifestent clairement, marquées par l’isolement diplomatique, la récession économique et l’embargo financier, découlant du choix politique. La hausse du prix des carburants due à la guerre en Ukraine accentue la flambée des coûts de transport, aggravant ainsi les problèmes économiques. « Nous avons des difficultés en ce moment, il y a un ralentissement de l’économie qui s’est traduit d’ailleurs la semaine dernière par un collectif budgétaire, c’est à dire une loi de finances rectificative du budget pour quand même traduire un peu ces changements qui se sont passés au niveau de la croissance économique ralentie de notre pays », explique l’économiste Modibo Mao Makalou.
Le Mali fait face à l’une des pires crises financières de son histoire. Sous embargo financier de la CEDEAO et de l’UEMOA, l’argent se raréfie avec le gel des ressources à la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest. Le pays, ayant pris ses distances avec l’Occident, notamment la France, fait face à une crise financière. « Moi à peine je gagne 5 000 CFA de bénéfice par jour. On souffre vraiment. Pour moi, un coup d’État ne peut être une solution viable pour une démocratie. À quoi tout cela a-t-il abouti ? », déplore une citoyenne sur le marché Djikoroni Para.
En dehors des fonctionnaires et peut-être de l’armée, la plupart des secteurs économiques souffrent. Le secteur informel pâtit particulièrement du manque de financement. Les coupures de courant et le manque de clients paralysent les activités. La fermeture partielle du pays aux liaisons avec la France complique les déplacements (2). Les Maliens sont contraints de passer par des pays frontaliers comme la Côte d’Ivoire ou la Guinée pour se rendre à Paris ou vice versa. « Les nations traversent souvent des moments difficiles, des faits d’incertitudes et de doutes. Actuellement, nous oscillons entre le doute et l’espoir, mais j’ai confiance en l’avenir. Je crois en la résilience de notre peuple et de notre pays. Nous avons les ressources pour rebondir collectivement », soutient un citoyen de Bamako rencontré devant un kiosque à journaux.
Au Mali, la plupart des activités économiques sont gérées par des entreprises privées et informelles, qui représentent plus de 80 % de l’ensemble. Cela inclut les écoles privées, les petites et moyennes entreprises, les entrepreneurs, les commerçants et les industriels. Cependant, ces acteurs subissent les conséquences de la situation économique difficile du pays.
De l’avis général, il est urgent que les autorités prennent des mesures rapides car, au-delà des discours patriotiques, la population a un besoin de nourriture, d’eau et d’électricité pour vivre. Le Mali, en tant que quatrième plus grand producteur d’or en Afrique, devra surmonter ces défis pour tracer un avenir plus stable et prospère.
De notre envoyé spécial à Bamako Sayon KOUROUMA
(1) Entre 2013 et 2022, les forces armées françaises se sont déployées au Sahel dans le cadre des opérations Serval (2013-2014) et Barkhane (2014-2022). Au Mali, il s’agissait de stopper la progression des groupes armés terroristes vers la capitale, à la demande de Bamako. Il a été mis un terme à l’opération Barkhane le 9 novembre 2022.
(2) À la publication de cet article, Air France poursuivait la suspension de ses 7 vols hebdomadaires vers Bamako.
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