La résurgence du MPOX, une nouvelle alerte pour le financement de la santé en Afrique.
Africa CDC, l’institution qui veut propulser l’indépendance pharmaceutique africaine. Crédits : Africa CDC.
Pour les experts de la santé en Afrique, l’épidémie qui a déjà tué près de 600 personnes en République Démocratique du Congo illustre les failles persistantes des systèmes de santé du continent, les difficultés de financement des vaccins et la lenteur des réformes.
Beaucoup de discussions, des priorités en concurrence, mais pas d’argent pour aller de l’avant : à bien des égards, l’épidémie de mpox qui progresse en Afrique avec la contamination de milliers d’enfants et de travailleurs du sexe en RDC et au Burundi résume à elle seule l’impasse dans laquelle le continent se trouve face à l’urgence vaccinale. Quatre ans après l’émergence de la COVID‑19, les États africains se trouvent de nouveau confrontés à une pénurie de vaccins qui pourrait empêcher d’enrayer rapidement l’épidémie.
UNE ÉPIDÉMIE RAMPANTE
Pourtant, contrairement à la COVID‑19, les cas de mpox ne sont pas nouveaux. Ils se propagent silencieusement sur le continent depuis 1970. Mais en mai 2023, alors que les cas continuaient à s’enchaîner, l’O.M.S. a déclaré la fin de la dernière urgence concernant la maladie. Ce qui ne l’a pas empêché de se propager rapidement sous l’effet d’une nouvelle souche qui attaque les enfants comme les adultes. La RDC a enregistré 575 morts dues à l’épidémie depuis le début de l’année et, selon des données des Africa Centres for Disease Control and Prevention (Africa CDC), le nombre d’infections se monterait à 30 fois plus. Cette spirale n’est pourtant pas sans solution, explique Javier Guzman, directeur de la politique de santé mondiale au Center for Global Development à Washington : « nous avons deux vaccins efficaces et sûrs qui ont déjà été approuvés par de nombreux pays à haut revenus ainsi que par la RDC. Mais le nombre de doses disponibles ne correspond pas aux besoins ». Concrètement, un décalage de 7 millions est constaté entre les 10 millions de doses nécessaires pour vacciner les populations les plus à risque en Afrique et les 3 à 4 millions de doses disponibles. Les doses manquantes pourraient provenir des stocks des pays les plus riches. Il s’agit de celles du vaccin Jynneos du fabricant danois Bavarian Nordic, efficaces à 85 % contre l’infection mpox. Ces stocks ont été constitués au moment de l’épidémie de 2022, notamment aux États‑Unis, Royaume‑Uni et Allemagne. Pour le moment, les États‑Unis ont fait une donation de 50 000 doses et le Japon a annoncé une donation de 3,5 millions de doses qui pourraient à elles seules couvrir les besoins du Congo – le problème étant que le vaccin de Bavarian Nordic ne peut être prescrit aux enfants et que celui en provenance du Japon requiert une formation particulière du personnel de santé.
COMMANDE PUBLIQUE DU MÉDICAMENT : UNE AUTONOMIE NAISSANTE
Le dilemme actuel tourne autour de la nécessité de compléter rapidement ces donations. Or, pour que Gavi, l’Alliance du vaccin, et Africa CDC s’engagent avec les fabricants dans la commande de nouvelles doses, une autorisation d’utilisation d’urgence doit être obligatoirement délivrée par l’O.M.S.. C’est son absence qui a empêché jusque‑là ces organisations prépondérantes dans la commande publique du secteur de la santé en Afrique d’agir à temps. « Gavi ne peut pas payer ces vaccins, reprend Javier Guzman, car jusque‑là l’O.M.S. n’avait pas donné cette autorisation. Ces règles de commandes de médicaments et vaccins doivent changer ». Comment, c’est toute la question des prochaines années, alors que les administrations nationales comptent sur les donateurs pour les commandes et que les premiers outils d’une autonomie pharmaceutique africaine viennent tout juste de se mettre en place. Cet été, Africa CDC a sécurisé 1,5 milliard de dollars en fonds européens et en subventions de Gavi pour établir l’Accélérateur de la production des vaccins en Afrique (AVMA). Un nouveau mécanisme de commandes pharmaceutiques en pool continental a également été créé cette année sous l’égide d’Africa CDC : « il s’agit d’un marché de 50 milliards de dollars par an qui va changer la manière dont l’Afrique gère sa politique de santé », a souligné le Dr Jean Kaseya, directeur d’Africa CDC. Pour le moment, toutefois, dans un climat de resserrement fiscal généralisé chez les grands donateurs publics, « on a des annonces, mais on n’a pas l’argent », estime Javier Guzman. Un constat illustré par les débuts difficiles du Fonds africain de l’épidémie (Africa Epidemic Fund ou AfEF). Créé en 2022 pour financer la préparation à la réponse face aux menaces sanitaires publiques, il ne parvient pas à sécuriser les fonds nécessaires auprès des États membres de l’Union africaine.
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