Matières premières en Afrique, quatre minerais à suivre de près

Matières premières en Afrique, quatre minerais à suivre de près

Une mine artisanale en Guinée, crédit: Sayon Kourouma

Rédigé par Laurence Soustras

Modifié le 1 septembre 2023

Le Parlement européen devrait examiner à partir du mois de septembre un audit du fonctionnement du Règlement européen sur l’Approvisionnement responsable en Étain, Tungstène, Tantale et Or, entré en vigueur en 2021.

Il est méconnu en Afrique, à part en République démocratique du Congo (RDC), et très peu connu en Europe. Pourtant, il pourrait avoir des répercussions sur tout un pan du secteur minier du continent. Le Règlement européen sur l’Approvisionnement responsable en Étain, Tungstène, Tantale et Or – métaux plus connus en anglais sous l’acronyme 3TG – porte sur ces quatre minéraux provenant de zones affectées par des conflits et à haut risque. Il a commencé à être mis en place en 2021 et constitue le pendant européen à la législation américaine Dodd-Frank, dont il a tenté de contourner les défauts : principalement celui de détourner les industriels des mines de la RDC, une option plus économique que la traçabilité à mettre en place.

Mines et conflits

C’est en effet dans les années 2000 que les Nations unies ont identifié une relation étroite entre les mines des 3TG et le financement de milices armées en RDC. Une partie de la réglementation américaine Dodd-Franck de 2010, sa section 1502, a exigé des sociétés cotées aux États-Unis et utilisant l’un ou plusieurs de ces quatre minerais en provenance de RDC et de pays voisins de soumettre leurs chaînes d’approvisionnement à des audits indépendants pour exclure toute possibilité de financement de groupes armés. Une philosophie très différente de celle de l’Union européenne : le règlement concernant les 3TG ne cible pas de pays particulier, mais porte sur une liste de zones en conflit ou à haut risque (https://www.cahraslist.net/cahras). Il ne s’attaque pas non plus aux industriels, mais aux seuls importateurs européens auxquels il est demandé, à partir d’un certain seuil d’importations, de procéder à un audit de la traçabilité de leurs minerais. La réglementation est d’autant plus importante que deux des quatre minerais, l’étain (utilisé dans des composants pour l’énergie solaire et nucléaire) et le tantale (employé dans les produits électroniques, les réacteurs nucléaires et le solaire) font partie des minerais verts aussi appelés minerais critiques. Mais les obstacles ne manquent pas : alors que la section 1502 du Dodd-Franck manque d’autorité pour l’application de la loi, le règlement européen bute sur la question du raffinage et du traitement de ces minerais. « Il est vraiment très difficile, et en fait presque impossible, de savoir d’où ils proviennent une fois qu’ils ont été raffinés ou traités. Par exemple, un importateur peut savoir que l’étain importé a été traité en Chine, mais ignorer d’où il a été extrait. Ou que l’or a été raffiné aux Émirats arabes unis, mais ignorer d’où il est venu avant. Avec ce manque de transparence, il est difficile de dire qu’il n’y a eu aucune interaction avec des abus des droits de l’homme, ou des financements de conflit », explique Lotte Hoex, chercheuse à l’institut indépendant IPIS. 

Opacité

La question de la traçabilité est également traitée avec une certaine légèreté : les « tierces parties » destinées à l’assurer sont en fait des consultants rémunérés par les importateurs. « Notre principale inquiétude est le manque de transparence de ces consultants et le fait que nous entendons, de la part des autorités nationales en charge de la vérification de leurs rapports, que la qualité de certains en est médiocre : les auditeurs ne se rendent pas sur les sites de mines et ne savent pas non plus d’où proviennent les minerais », estime Lotte Hoex.

Dans ce contexte d’exigence de transparence, mais de conditions floues d’applications des cadres juridiques adoptés par les États-Unis et l’Europe, les pays producteurs et notamment l’Afrique ont été très peu consultés. La plupart ne sont pas non plus informés des améliorations qui pourraient être mises en place pour éviter le cortège d’achats nocturnes par des trafiquants de minerais en provenance de mines artisanales – un spectacle récurrent dans de nombreux pays producteurs. Résultat : l’application de la réglementation européenne continue d’ignorer la place intermédiaire prépondérante des Émirats arabes unis et de la Suisse dans le commerce de l’or clandestin, comme celle de l’Asie pour l’étain, le tungstène et le tantale à la traçabilité incertaine. « Pour un mineur artisanal africain, il est souvent plus lucratif de vendre par le biais du marché clandestin. Pourquoi changer ? Pourquoi être intéressé à vendre directement au marché européen ? Il faut donc travailler plus étroitement avec les ministères des Mines africains pour agir davantage contre la contrebande », affirme Lotte Hoex. Alors que la Commission européenne a alloué 20 millions d’euros à des mesures d’accompagnement chez les pays producteurs, la formation ne suffira pas. De son côté, la société civile continue de réclamer une meilleure intégration des mines artisanales dans le code minier et dans la chaîne d’approvisionnement, ainsi que l’intégration des territoires limitrophes, tel le Rwanda, ou de transit, tels les Émirats arabes unis, dans la liste des zones à conflit ou à haut risque.

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