RDC : le gaz du lac Kivu, une chance énergétique pour le pays ?
Face à la menace toxique du dioxyde de carbone présent dans les profondeurs du lac Kivu, à l’est de la République démocratique du Congo, le gouvernement veut lancer un vaste chantier d’exploitation du gaz. Une initiative à fort potentiel énergétique mais qui ne fait pas l’unanimité parmi les riverains du lac.
En matière de gaz, le gouvernement de Kinshasa voudrait suivre l’exemple du Rwanda, mais la question de sa conversion en électricité divise la population locale.
« Je n’ai pas eu la chance d’aller à l’école. J’ai une femme et trois enfants, ils vivent tous de mon travail. Si l’exploitation commence sur ce lac, la population de poissons va sensiblement baisser et on nous interdira de pratiquer la pêche dans certains endroits. Je ne suis vraiment pas pour cette exploitation. » Comme beaucoup de riverains, Esdras Muhemeri, pêcheur sur le lac Kivu – tout comme son père et ses frères – depuis une quinzaine d’années, ne voit pas cette immense superficie d’eau de 2 700 kilomètres carrés, située à la frontière de la RDC et du Rwanda, comme un danger imminent. Et pourtant : le lac, qui a permis le développement de la pêche artisanale, du tourisme et de la navigation entre Goma et Bukavu, dissimule une menace latente imprévisible. L’étendue d’eau fait partie d’une série de lacs bordant la vallée du Rift est-africain, où le continent est lentement écartelé par les forces tectoniques. D’après des recherches scientifiques, le lac Kivu est l’un des trois lacs « tueurs » dans le monde susceptibles d’éruptions limniques graves, les deux autres étant les lacs Nyos et Monoun au Cameroun. Le lac Kivu contient mille fois plus de gaz dissous que celui de Nyos et pourrait provoquer une émission de gaz en surface en cas de déstabilisation de ses eaux stratifiées suscitée par une éruption volcanique.
Des eaux saturées de gaz
Mais l’accumulation de méthane et de dioxyde de carbone sous la surface du lac pourrait posséder un fort potentiel en tant que source d’énergie pour toute la région du Kivu. Cette hypothèse a été mise en application par le Rwanda voisin, qui a lancé en 2008 un programme pilote consistant à brûler le méthane du lac sous forme de gaz naturel et a signé l’année dernière un contrat d’exportation de méthane en bouteille. Un programme d’extraction de méthane beaucoup plus important, appelé KivuWatt, avait été mis en place en 2015, une centrale électrique pompant sous la surface du lac cette eau saturée de gaz pour l’envoyer à travers un pipeline vers une deuxième installation, génératrice d’électricité.
Kinshasa a lancé à son tour en 2022 des appels d’offres pour l’exploitation du gaz sur le lac Kivu, et trois sociétés, américaines et canadienne, ont remporté le marché.
Alors que la RDC aimerait imiter le Rwanda et voir le gaz enfermé dans le lac Kivu produire de l’électricité dans les plus brefs délais, Kinshasa se heurte à la résistance de Greenpeace Afrique qui a dénoncé des « anomalies procédurales flagrantes » dans l’appel d’offres.
Mais, pour les femmes qui vendent des produits du lac Kivu, le lac est une question de subsistance. « Ces poissons nous aident beaucoup à assurer la bonne alimentation de nos enfants », souligne Limangi Bwega, qui ajoute : « je gagne au maximum 2 500 FC par jour (soit environ 1 dollar américain, NDLR), et cette somme m’aide à assurer la survie de ma famille ».
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