Congo: le biocharbon, comme alternative à la déforestation
Jean-David Mihamle
Au Congo, la forte demande en charbon est une source majeure de déforestation. Une startup tente cependant de développer une solution potentielle innovante : un charbon issu des déchets ménagers.
Il a eu raison des sceptiques qui lui prédisaient un échec certain. Mais, c’était ignorer la détermination de Destin Bibila. Ce jeune polytechnicien vit à Pointe-Noire, la capitale économique du Congo. À la tête de la startup Wumela Biocharbon, il a réussi à donner une deuxième vie aux déchets, en les transformant en biocharbon. C’est un combustible dérivé de biomasses, comme le papier ou les résidus agricoles, qu’il décrit comme étant « plus résistant, plus économique et plus écologique que le charbon classique, avec une valeur calorifique très importante, autour de 6 000 kilocalories par kilogramme ».
Des déchets transformés en briquettes
Au départ de cette aventure entrepreneuriale : le sentiment de révolte du jeune polytechnicien face aux monticules d’immondices qui « colonisent » la cité.
« Ce sont 80 % de déchets, ou biomasses, qui sont produits par les ménages, explique Destin Bibila. Nous sommes choqués par la quantité de déchets autour de nous. Nous avons lancé le projet pour valoriser les déchets et offrir une énergie propre à la population qui les génère. »
Cette énergie propre, c’est le biocharbon dérivé des déchets que la startup Wumela produit : « un dérivé des biomasses administratives (comme du papier), agricoles (à l’exemple du bois mort, de la drêche, de la bagasse qui est un résidu fibreux issu du broyage de la canne à sucre) et issues des ménages », décrit Destin Bibila.
Au bout d’un processus intégrant la collecte des déchets, le tri, le séchage, puis la torréfaction et le broyage avec des additifs, on obtient une poudre noire. S’ensuit alors le moulage « pour donner la forme ». Après trois jours de séchage, le produit final est prêt à être utilisé, sous forme de briquettes notamment.
Le public apprécie déjà
Les ménages de Pointe-Noire découvrent encore le biocharbon de Destin Bibila. Visiblement, les personnes qui testent le produit pour la première fois sont séduites, voire conquises.
« J’ai découvert le produit à partir d’Internet, sur Facebook. Après avoir commandé le premier sac de biocharbon, j’ai été enthousiasmée, expliquait Precious Biby à la fin de l’été. Il n’y a pas de fumée et cela met du temps à se consumer. Je me suis dit : pourquoi ne pas le revendre et en devenir distributrice ? Depuis ce matin, nous avons déjà vendu trois sacs. »
La protection de la forêt et la transition énergétique
Au-delà du sentiment de révolte contre l’insalubrité, le parcours de Destin Bibila s’inscrit également dans la logique d’un militant écologiste inquiet. Le spectre de la déforestation est très réel en Afrique centrale, une région où la prédominance du charbon de bois comme combustible entraîne des coupes incessantes.
Une étude de 2013 menée par la Banque mondiale pour le compte de la Commission des forêts d’Afrique centrale (COMIFAC) estime que la production du charbon de bois est une réelle menace pour les forêts de la sous-région : « s’il suit un scénario de maintien de statu quo, l’approvisionnement en charbon de bois pourrait constituer dans les prochaines décennies la menace la plus importante pour le bassin du Congo, où les coupes ont constamment augmenté ces dernières années », avertissent les auteurs de l’étude.
Selon les estimations, plus de 90 % du volume de bois récolté dans le bassin du Congo servirait à produire de l’énergie, et une moyenne d’1 mètre cube équivalent bois par personne et par an serait nécessaire.
De quoi raviver la flamme de militant écologiste du polytechnicien qui voit le destin de sa startup liée aux défis mondiaux : « on a deux grands défis, liés à l’environnement et à la pauvreté, insiste le promoteur de Wumela Biocharbon. On a réfléchi comment trouver une solution et on s’est dit : “que peut-on faire avec ces déchets qui nous entourent, alors que les populations ont des problèmes d’énergie ?” Après réflexion, on a jeté notre dévolu sur le biocharbon. Voyez-vous, avec les statistiques officielles, dans mon pays, le Congo, on en était en 2016 à près de 100 000 tonnes de consommation de charbon de bois et à environ 132 000 tonnes de consommation de bois de chauffe. C’est dire que si nous agissons, nous pouvons réellement lutter contre la déforestation et le changement climatique », insiste Destin Bibila.
Un raisonnement bien loin d’être une simple vue de l’esprit : pour produire une tonne de charbon, il faut six tonnes de bois d’après les statistiques officielles de 2016 au Congo. C’est dire que les briquettes de biocharbon pourraient contribuer à sauver plus d’un arbre congolais…
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