À Pointe-Noire, la pénurie de sang inquiète

Brice Kinhou
Au Congo, l’inadéquation entre le sang de qualité disponible et la demande croissante impose un grand défi aux responsables du don et de la transfusion sanguine.
Selon l’O.M.S., seulement la moitié du sang nécessaire à la transfusion chaque année est collectée actuellement en Afrique, exposant de nombreuses personnes à des pénuries potentiellement mortelles. La pandémie de COVID-19 a encore aggravé cette situation, avec des dons en chute libre. Exemple au Congo.
Des cris déchirent la relative quiétude de la cour de l’hôpital général Adolph Sicé de Pointe-Noire, cet après-midi ensoleillé. Devant une ambulance garée à l’entrée des urgences, Christelle Mavoungou est inconsolable. Elle vient de perdre sa fille qui souffrait d’anémie aiguë. D’abord hospitalisée dans une clinique, la patiente a finalement succombé à l’hôpital général A. Sicé avant de pouvoir être transfusée.
De tels événements malheureux sont devenus courants à Adolph Sicé, à l’hôpital militaire, à l’hôpital de Loandjili ainsi qu’à l’hôpital Congo Malembé, les quatre grands hôpitaux des départements de Pointe-Noire et du Kouilou.
Au Congo, une personne sur dix meurt dans les hôpitaux, faute de sang de qualité disponible. D’après des agents de santé, les groupes sanguins rares comme O- et AB- sont les plus concernés.
« Il nous est arrivé d’avoir des records ici dans mon service, souligne le Dr Charley Elenga Bongo, chef du service de diabétologie à l’hôpital A. Sice. Il y avait le cas spécifique d’un homme qui avait atteint la quarantaine de poches de transfusion, mais dont les cellules détruisaient au fur et à mesure ses globules blancs. La grande difficulté, c’est la disponibilité de sang du groupe correspondant. Malheureusement, il y a eu des cas où les patients sont décédés en attente d’une transfusion. »
Selon la Dr Marina Gatali Kibangou, pédiatre, un enfant sur deux admis à l’hôpital A. Sicé nécessite une transfusion sanguine.
De la pédiatrie à la maternité en passant par l’hématologie, la diabétologie et les urgences, le constat est le même, le besoin de transfusion sanguine est omniprésent. Mais la quantité de sang disponible demeure insuffisante.
Le Dr Jean Deloffre Bassidi, chef du service de gynécologie obstétrique à l’hôpital A.Sicé, explique que le besoin de produit sanguin va de pair avec l’importance de la fréquentation. « Quand vous avez une fréquentation record de 300 à 400 accouchements par mois, indique-t-il, il y a une moyenne de 10 pour cent d’hémorragie. On peut tourner autour de 60 poches de sang par mois par rapport à l’activité intrinsèque. À cela s’ajoutent des patientes référées qui viennent déjà dans un état d’hémorragie. La moyenne de l’utilisation des produits sanguins va de 2 poches à 10, voire 15 poches de sang par personne. »
Pour le directeur général de l’hôpital A. Sicé, le Dr Lambert Chakirou, parmi les différentes causes à la base du besoin de transfusion sanguine, il y a le mauvais traitement des infections, l’arrivée tardive dans les hôpitaux et les hémorragies.
En ce qui concerne la carence de sang, les avis convergent tant au niveau des hôpitaux qu’à celui de la banque du sang. L’ignorance de l’utilité du don de sang, les préjugés magico-religieux ou la peur de se découvrir des infections de tout genre sont autant de raisons qui justifient la réticence des Congolais à faire don de leur sang.
À en croire les responsables de La Direction interdépartementale de transfusion sanguine Pointe-Noire/Kouilou, le centre fournit entre 7 000 et 10 000 poches de sang par mois, soit une moyenne annuelle de 84 000 poches de sang. Mais cette quantité de sang collectée, généralement par la banque de sang avec l’aide de plusieurs associations de bénévoles, est loin de satisfaire la demande, selon son directeur Didier Montagné Boungou Mpele, qui ajoute : « Nous n’avons même pas encore atteint 30 % des 100 % que l’O.M.S. voulait qu’on atteigne en 2020, alors que nous sommes en 2022. Mais quand nous regardons les autres pays d’Afrique tel que le Rwanda, le don de sang est fait à 100 %, car les gens ont compris l’intérêt du don de sang. »
Les opérations de sensibilisation se multiplient pour favoriser une prise de conscience de la population, mais les résultats sont bien en deçà des espérances. Selon Love Senda, superviseur technique de la banque du sang, l’idéal serait d’avoir des donneurs de sang réguliers. « Nous souhaiterions atteindre 80 % de dons bénévoles, c’est-à-dire venant des personnes qui viennent tous les trois mois sans attendre que l’un de leurs proches soit dans le besoin de sang pour agir. »
Un véritable défi, non seulement pour les populations, appelées à changer de mentalité, mais aussi pour les autorités qui doivent faire preuve d’imagination afin de persuader les donneurs.
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