Congo : menace sur les abeilles
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L’agriculture itinérante sur brûlis est une réelle menace pour les abeilles dans le sud de la République du Congo. Les apiculteurs envisagent de rédiger un plaidoyer pour mieux faire connaître l’action bénéfique des ruches.
À Loudima, sous-préfecture du sud du Congo au sol généreux et située à un peu plus de deux heures de route de Pointe-Noire, la capitale économique, les heurts entre paysans et apiculteurs deviennent réguliers. Les ruches installées à proximité des plantations de manioc partent souvent en fumée. En cause : les brûlis des paysans qui utilisent essentiellement le feu pour désherber afin de cultiver, ce qui cause d’importants dommages aux producteurs de miel.
Alain Mvouity, chef d’une équipe d’apiculteurs, ne décolère pas. Il reste sourd aux explications des agriculteurs qui se défendent de toute mauvaise intention.
« On nous accuse d’avoir fait venir les abeilles de Pointe-Noire pour les tuer (les paysans, NDLR), pour les empêcher de cultiver leurs champs, tempête-t-il. C’est faux et archifaux. C’est un problème de haine et de jalousie. »
Méfiance réciproque
En réalité, les agriculteurs soupçonnent les apiculteurs de vouloir s’emparer de leurs terres. La cohabitation est devenue difficile avec l’abeille africaine, connue aussi sous l’appellation d’Apis mellifera adansonii. C’est une sous-espèce particulièrement agressive contrairement aux abeilles d’Europe, explique l’expert en apiculture congolais Antoine Mountanda. « Quinze piqûres de cette abeille peuvent tuer », avertit-il.
D’où l’usage du feu par les paysans qui espèrent ainsi retrouver un environnement paisible.
« Vivre avec les apiculteurs c’est compliqué, parce qu’ils ont l’équipement adapté pour se protéger contre les piqûres d’abeilles, mais nous n’en avons pas, s’indigne Fresnel Manga, un paysan. C’est difficile de travailler aux champs dans ces conditions, c’est pour cela que certains agriculteurs préfèrent mettre le feu pour faire fuir les abeilles. »
De quoi exaspérer le sénateur Jules Juste Goma, président de la coopérative d’apiculteurs Ya Diyi de Pointe-Noire, forte d’une cinquantaine de membres ayant produit 2,3 tonnes de miel en 2022. « Une ruche colonisée (habitée par les abeilles, NDLR) peut accueillir jusqu’à 300 000 individus, explique M. Goma. (…) Ce sont au moins un million et demi d’abeilles qui ont été décimées… C’est méchant ! »
Méchant ? Peut-être. Toujours est-il que le sous-préfet de Loudima a recommandé une campagne de sensibilisation auprès des paysans. Ces derniers apprécient déjà l’initiative.
« Les campagnes de sensibilisation se font, reconnaît Fresnel Manga. C’est grâce à ça que j’ai compris que les abeilles jouent un rôle important dans la production de mes produits agricoles. Mais ce n’est pas tout le monde qui met en pratique ce qui est appris lors des sensibilisations. Il y a certains agriculteurs qui continuent d’utiliser le feu pour chasser les abeilles. Je conseille aux apiculteurs de poursuivre ces sensibilisations. Cela pourrait être bénéfique aux deux camps. »
Sécurité alimentaire et abeilles
Pourtant, au-delà de la production de miel et d’autres produits de la ruche, les abeilles fournissent des services écologiques essentiels à la vie. Pour Antoine Mountanda, spécialiste en arboriculture fruitière et consultant à la coopérative Ya Diyi, « l’abeille, ce pollinisateur de grande classe, est indispensable à la sécurité alimentaire. C’est la raison pour laquelle nous nous donnons pour mission de protéger l’abeille africaine ». La coopérative Ya Diyi envisage de rédiger dès cette année un plaidoyer pour l’instauration des textes juridiques protégeant l’abeille au Congo.
Voir aussi : L’apiculture, une chance pour les forêts du bassin du Congo.
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